Mai 2003
Les autres N°


Mes BéDé
Je suis un chien de BD. Mais cela ne m'empêche pas d'admirer d'autres héros que moi-même. ! Alors, dans le désordre, je vous livre ci-après quelques uns de mes "coups de coeur."  Un peu de patience pour le chargement. Ce sont de petites images, mais il y en a un peu plus qu'à l'habitude dans cette rubrique. Mais bon, c'est comme tout, faut savoir parfois attendre.
Oh, c'est sûr ! Toutes ces images, que vous attendez donc de voir apparaître, je n'ai pas l'autorisation des auteurs de les reproduire ici. Mais on voudra bien me pardonner : d'abord aucun des éditeurs que j'ai essayé de contacter ne parle chien ; ensuite, je crois n'avoir, par mes citations, ni trahi les créateurs, ni altéré la qualité de leurs oeuvres. Et bien que cela ne me rapporte même pas une parcelle de miette de croquette, je vous engage à lire les ouvrages cités. Ils sont super ! Alors, vite, faites comme moi, DEVOREZ-LES !

A tout seigneur, tout honneur. Je commence avec Tintin et Milou, par Hergé. Ici, Le Trésor de Rackam Le Rouge (Edtions Casterman) : Tournesol au commande de son astucieux sous-marin.
A la fin du même album, le capitaine Haddock retrouve le château de ses ancêtres : Moulinsart. Accompagné de Tintin, il en parcourt la grande et célèbre allée : une image de légende qui a fait rêver plus d'un lecteur !

Autre temps, autres lieux, autre style. Nous sommes en 1955, 1956, et ce sont les Aventures de MOUSTACHE et TROTINETTE, par Calvo. Superbes planches en noir et blanc ! Parues à l'origine dans "Femmes d'aujourd'hui", elles ont été rééditées chez Futuropolis en 1976. A chercher chez les bouquinistes ? En tout cas un chef-d'oeuvre graphique et poétique.

Voilà donc nos deux héros : Moustache, le chat et Trotinette, la souris.

Les premiers épisodes de cette saga se situent au Moyen-Age. Un Moyen-Age magistralement dessiné par Calvo, dont le style emprunte beaucoup de ses effets à la gravure sur bois.


 
Le 12 septembre 1992, à 7 heures du matin, disparaît Francis Albany. Oh, bien sûr, ce n'est qu'un héros de BD, mais la mise en scène de sa vie, de ses aventures et de sa mort soudaine est si réaliste et si bien rapportée par sa grande amie et romancière Olivia Sturgess, qu'on s'y laisserait facilement prendre. A la rigueur, on a même envie d'y croire. Mais non, il s'agit du magnifique ouvrage UNE TRILOGIE ANGLAISE, par RIVIERE (le scénariste) et FLOC'H (le dessinateur). Trilogie donc, à savoir : Le Rendez-vous de Sevenoaks ; Le Dossier Harding ; A la Recherche de Sir Malcom. Trois petits bijoux, créés dans les années 80 et qui renouent avec la ligne claire, l'élégance, l'humour, un certain esprit "very british", le goût du mystère et de l'histoire bien ficelée, toutes choses chères à Hergé et dans lesquelles Floc'h et Rivière excellent. A ce propos, ne pas manquer le merveilleux "A la Recherche de Sir Malcom", dernier épisode de la série et qui ne raconte pas moins que le fameux naufrage du Titanic.

Francis Albany, dans l'épisode "Le Dossier Harding".

Toujours dans "Le Dossier Harding", ambiance très britannique... A gauche, en blouson grenat, Francis Albany. De face, son amie Olivia Sturgess.

A mon sens, moi qui suis un petit chien rigolo mais qui peut aussi être sérieux de temps en temps, voilà un chef-d'oeuvre, un vrai. Dramatique. En 1972, Art Spiegelman, dessinateur américain, publie MAUS, ("souris" en allemand). Deux tomes (édition française chez Flammarion) : "Mon père saigne l'histoire" , d'abord et ensuite "Et c'est là que mes ennuis ont commencé". Il s'agit d'un véritable roman en BD. Art y  raconte la vie de son père, Vladek Speigelman, juif déporté dans les camps nazis (d'où le sous-titre de l'oeuvre : "Un survivant raconte"), ses difficiles relations avec ce père à la fois enfermé dans ses souvenirs et oublieux, et aux yeux duquel il s'efforce d'exister, d'être reconnu. Survivre au survivant à travers l'oeuvre : cette BD est donc aussi l'histoire de sa création. Mais le plus étonnant, le plus génial est ailleurs : dans cette histoire, les juifs sont représentés sous les traits de petites souris apeurées, persécutées, courageuses et astucieuses. Et les nazis, comme des chats omniprésents et cruels. Ce n'est pas Disney, oh non ! On y croit et on oublie vite que ce sont des souris. Le trait de Spiegelman, minimaliste, noir sur blanc, hachuré, déchiré, est terriblement efficace, inoubliable. On n'émerge pas indemme, de la lecture de ces quelques 300 pages. Umberto Eco a dit de cette oeuvre  : "Maus est un livre que l'on ne referme pas, même pour dormir. Lorsque deux des souris parlent d'amour, on est ému, lorsqu'elles souffrent, on pleure".
Moi, modeste petit chien de BD, je comprends ces choses-là...

Art Spiegelman, par lui-même.

Extrait du chapitre II de la Seconde Partie : "Auschwitz (le temps s'envole)".

Retour à la légèreté ! Pour finir, une bande dessinée introuvable. Parue dans GUIGNOL, un mensuel pour enfants des années 30, voilà donc une histoire (on disait alors "un grand film") écrite et dessinée par Gervy (entre 1933 et 1936) : LE TRESOR DE MALTRAGOR. On pardonnera la qualité de la reproduction, il s'agit d'un exemplaire de l'époque, et de ce temps-là, les couleurs étaient reproduites fortement tramées. On notera aussi qu'il n'y avait pas de "bulles" (phylactères, pour les savants) : les textes étaient imprimés sous chaque case. Ah, nostalgie !

Image-titre de l'histoire où sont réunis l'ensemble des personnages

Conception de l'époque : le texte, qui pourrait se suffire à lui-même, défile sous l'image, muette, qui l'illustre.

Voilà, j'arrête là. Oh, on pourrait encore citer beaucoup d'autres albums : ceux qui mettent en scène des chiens comme moi, par exemple. On verra ça une autre fois. Et les albums modernes ? On y viendra aussi un jour. En attendant, bonne lecture, et dans toutes ces BéDé, ne m'oubliez pas, moi,  LINUTIL. Moins talentueux que mes aînés, moins célèbre, à défaut d'avoir une place aux côtés des plus grands, je n'aspire qu'à une petite place dans votre coeur de fidèle lecteur, la seule gloire qui compte vraiment...