Mai 2007
Les autres N°

    FRAPPONS LES 3 COUPS !

Dans les années 60 du siècle dernier (j’en vois qui sourient car ils n’étaient pas encore nés), les « réclames » s’accompagnaient souvent de cadeaux, de bons à découper, de buvards à collectionner et autres primes. En particulier, les marques de chocolats, de fromages proposaient des séries d’images. Ainsi, à l’époque, le Chocolat Menier, célèbre enseigne et succulente friandise, offrait dans chacune de ses tablettes l’image d’un personnage historique. Jusque là, rien de bien original, penserez-vous. On a tous, enfant, rempli des cahiers entiers de ces images aux couleurs éclatantes et qui étaient censées raconter l’histoire, essentiellement de France, au travers de tableautins édifiants.
Le Chocolat Menier, toutefois, eut la bonne idée de présenter ses petites images comme des sujets à découper pour servir d’acteurs à un magnifique théâtre : le Menier-Théâtre. En échange de quelques bons découpés sur l’emballage du chocolat et de quelques sous (3 NF, « nouveaux francs », en 1962) avancés par les mamans compréhensives, on recevait bientôt par la Poste ce théâtre à l’italienne. Une notice de montage, des décors, des suggestions de mise en scène, ainsi qu’un lexique des termes de la profession (!) guidaient les apprentis directeurs sur la bonne voie. Il ne restait plus qu’à le construire, ce théâtre. Tout en en carton, comme on disait dans l’Egypte ancienne. Mais bon, avec un peu de patience et l’aide d’un papa bricoleur, on y arrivait.
Ce sont tous ces trésors que j’ai retrouvés dans une vielle enveloppe de papier, l’autre jour. Alors, je me suis souvenu que moi aussi, il y a lontemps, j’avais rêvé d’être metteur en scène, producteur, éclairagiste, décorateur, acteur… Allez, frappons les 3 coups (c’était le titre de la brochure d’accompagnement) et ouvrons le rideau. Le spectacle commence.
La notice
8 pages permettaient à tout un chacun de monter le Menier-Théâtre. En prime, on apprenait quelques rudiments sur l'histoire du Théâtre (première troupe en 573 avant Jésus-Christ menée par le poète grec THESPIS).
Venait ensuite l'explication du montage des décors et des conseils de mise en scène, et pour finir, le lexique de la profession : par exemple, qu'est-ce qu'un "brigadier" ? (*)
A cette époque, on ne lésinait pas sur la documentation !
Des schémas clairs guident les premiers pas de l'apprenti décorateur...
(*) le bâton avec lequel sont frappés les 3 coups annonçant le début de la pièce
 
Et maintenant, au travail !

Tous les éléments en carton (prédécoupés) sont prêts. Il reste à les assembler. Grâce à un système d'ergots et d'encoches repérés par des lettres, c'est un jeu d'enfant, c'est le cas de le dire.
Les bricoleurs du dimanche et les accrocs du ménage apprécieront le fait que tout ce montage s'effectue sans colle, donc sans souci et sans tache ! Et pour les petits intérieurs, le théâtre peut se démonter et se remonter facilement.
 

Le Théâtre monté

Et voilà le résultat auquel on parvenait au bout de quelques minutes. Le jeu en vaut la chandelle, non ? On remarquera le fronton, aux armes de la célèbre marque de chocolat.

On notera également, carton oblige, que le rideau de scène restait constamment levé. Les changements de décor s'effectuaient donc "à vue". Conception très moderne pour l'époque mais qui maintenant n'étonne plus personne.

Justement, les décors, parlons-en...
 

Les décors
 
Les décors, ou "chassis" dans le jargon du métier, toujours en carton, se positionnent grâce à des ergots sur chacun des côtés gauche et droit du théâtre. On ne dit d'aillleurs ni gauche ni droite, au théâtre, mais "Jardin" ou "Cour" : quand on regarde la scène, jardin à gauche, cour à droite, comme les initiales de Jésus-Christ.
Et voilà le décor planté !
Les lumières de la salle peuvent s'éteindre et la rampe s'allumer. Les spectateurs retiennent leur souffle.
Les acteurs vont bientôt peupler cette forêt mystérieuse et y faire revivre légendes, drames et comédies. Mais ceci est une autre histoire, c'est une histoire de talent.
D'ailleurs, la brochure du Chocolat Menier se terminait par ces mots :

"et maintenant le chocolat MENIER te souhaite d'être un jour un grand metteur en scène."

Peut-être que certains gourmands se sont finalement consacrés à la scène, grâce à un petit théâtre en carton de 4 sous...

 

Objets d'époque, documentation, texte et photos de l'auteur © Guy Robert - mai 2007