Septembre 2008
Les autres N°

LA COLLINE ETERNELLE


Cet été, en Bourgogne, mes maîtres m’ont fait grimper la colline de Vézelay. Ouf ! Quelle épreuve pour mes petites pattes ! Mais quel spectacle ! La Basilique, superbe vaisseau de pierre protégeant les reliques de Sainte-Marie Madeleine, coiffe la colline de ses tours bourdonnantes de vent et d’oiseaux.

Le temps de boire un petit coup et de souffler un brin, j’ai consulté quelques vieux ouvrages sur ce lieu magique.
 

C’est en 861 qu’un moine bénédictin ramène, de Provence jusqu’à Vézelay, les reliques de Marie-Madeleine. Quelques années plus tard, des miracles s’étant produits, les pèlerins vont faire de Vézelay une étape incontournable sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle et un centre spirituel reconnu. Le succès aidant, en 1096, l’abbé responsable des lieux entame de nécessaires travaux de restauration et d’embellissement. Toutefois, le chantier traîne en longueur (plus de 10 ans), au point que les habitants, ne supportant plus les charges que cela représente, se révoltent… et tuent l’abbé, sans autre forme de procès ! On rigolait pas avec les délais, de ce temps-là…

Hélas, cet acte de rébellion ne va pas porter chance au petit peuple de la colline. Durant la nuit du 21 juillet 1120 (les travaux sont enfin terminés !), alors que toute la population prie dans l’église à l’occasion de la veillée de Sainte Marie-Madeleine, la charpente de l’abbatiale prend feu et s’effondre sur la foule des fidèles : 1127 morts !

Ensuite, vient le temps des croisades, dont beaucoup partiront de Vézelay. C’est en 1146 que Saint-Bernard y prêche la deuxième croisade. C’est encore d’ici que Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion s’élanceront, ensemble, pour la troisième croisade, et plus tard Saint-Louis… Entre-temps, l’Archevêque de Canterbury, Thomas Becket, y aura prononcé l’excommunication de son roi, Henri II d’Angleterre, ce qui lui vaudra un retour au pays difficile…

Après les Guerres de Religion qui vont laisser des traces sur ses murs, l’Abbatiale va doucement tomber en déclin, jusqu’à ce que Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments Historiques, en confie la restauration à Viollet-le-Duc.
 

Lieu de rendez-vous de tous les pèlerins du monde, la Basilique a retrouvé son rayonnement d’origine, même si l’on n’y prêche plus la croisade. Magnifique livre de pierre ouvert sur la lumière, on y découvre sans cesse de nouvelles merveilles architecturales. Moi, Linutil, j’y ai même trouvé une représentation de mes ancêtres, sculptée dans la pierre du tympan ! Etonnant, non ? Pour la peine, je partirais bien sur les routes de Saint Jacques de Compostelle, en remerciement de ce signe… mais je n’aurais plus de pattes en arrivant, déjà qu’elles sont courtes ! 
Alors je me contente de voyager dans ma tête, tout en rongeant mon os. Tranquillement couché devant le feu de bois qui crépite, je vois l’ombre des chevaliers et des moines partir en procession vers la Basilique, tandis que les étincelles dans la cheminée dessinent des milliers d’étoiles au-dessus de la Colline Eternelle. 
© Guy Robert - Septembre 2008