NOUS, LES PETITS CAILLOUX !
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De leur origine…
Ne vous êtes-vous jamais demandé, en vous promenant à
la campagne ou en faisant votre jardin : « Mais d’où viennent
donc tous ces petits cailloux que l’on voit un peu partout ? » Ils
tapissent les chemins, ils abondent dans les champs, et le premier cultivateur
venu vous dira qu’ils semblent pousser comme la mauvaise herbe. C’est que
le caillou migre, des profondeurs de la terre où il germait depuis
des millions d’années, jusqu’à la surface du sol, sous le
soleil et où il blanchit, os perdu d’un improbable mastodonte. Un
long, très long voyage. Pourtant, me direz-vous, on a beau les fixer
du regard, on ne les voit pas bouger, les cailloux. C’est que leur existence
n’est pas à l’échelle de la nôtre et ce que nous prenons
pour une immobilité quasi éternelle n’est qu’un fragment
de leur mouvement, comme l’image isolée et fixe d’un film animé.
Il faudrait accélérer le temps, contracter les jours, les
années, les siècles pour rendre enfin perceptible le lent
cheminement des cailloux dans les champs. |
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De leur usage…
Une fois les cailloux arrachés aux entrailles de la terre, parvenus
à l’étage où nous vivons, nous les humains, que deviennent-ils,
à quoi servent-ils ? Une des premières utilisations du caillou,
ce que chacun peut constater, c’est de nous tordre les pieds quand nous
marchons dessus et d’égratigner le cuir de nos belles chaussures
neuves. Ceci pour les plus sportifs et les plus nantis d’entre nous. Car
le caillou a servi, pendant longtemps, à empierrer pas mal de routes
sur notre planète. Il a également sauvé, une première
fois, le Petit Poucet et ce, plus sûrement que les miettes de pain.
Quel gamin n’a pas donné des coups de pied dedans sur le chemin
de l’école ? Il tient lieu d’arme pour ceux qui n’ont que leurs
mains pour résister et c’est encore lui, caillou légendaire,
que mit David dans sa fronde. Bon, j’en conviens, ce ne sont pas des utilisations
des plus courantes et si sa dureté prédestine le caillou
à des usages guerriers, les temps de paix ne le boudent pas pour
autant. D’abord, et pour revenir à l’école, il a des copains
comme genou, pou ou hibou (et même chou, joujou et bijou, mais pas
toutou) qui se distinguent singulièrement au pluriel. Dans la cour
de récréation de cette même école, s’il tombe
dans le puits ou est enveloppé par la feuille, il casse tout de
même les ciseaux. Ils se sont mis à plusieurs, paraît-il,
pour apprendre à parler à Démosthène. Et qui
est-ce qui vole, en ricochet, sur les bords du lac, sinon le caillou lancé
par une main experte ?
Vous me direz « Oui, mais il y a aussi les pierres ! » Ne
confondons pas. Le caillou et la pierre, c’est le gavroche et le bourgeois.
La pierre se veut noble, le caillou c’est entre les pavés qu’on
le trouve. Mais gardons nous de catégoriser hâtivement. Le
caillou reste fier. Certes, on parle de « pierres précieuses
», mais en argot un « caillou » est la plus belle et
la plus rare d’entre toutes : le diamant. Et dans un temps pas si lointain,
le malheureux qui en avait chapardés, des cailloux, se retrouvait
vite fait bien fait à les casser, les cailloux, pas loin de Cayenne.
Au bagne, y’avait de quoi se faire des cheveux et les perdre, si bien qu’on
se retrouvait sans un poil sur le caillou.
On le voit, le caillou est partout, universel, commun, quotidien. Avec
de gros cailloux on peut construire une maison et les petits, on les trie
dans les lentilles. Les premiers savants comptaient avec des cailloux (en
latin : « calcula », petites pierres), ce qui a donné
son nom au calcul arithmétique mais aussi à ces petits cailloux
qui se forment parfois, et si douloureusement, dans les reins.
Heureusement, les poètes existent, nous arrachant à ce
monde de brutes. C’est lui, le poète, qui posera un caillou sur
son poème pour qu’il ne s’envole pas au vent. C’est l’artiste qui
s’exprimera en construisant, durant une vie entière, tout un univers
avec les cailloux ramassés au hasard, comme le Palais Idéal
du Facteur Cheval. C’est le devin qui jettera sur le sol les cailloux magiques
(les runes) pour connaître l’avenir. C’est dire l’importance du caillou.
On trébuche dessus quasiment à chaque pas.
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De leur collection…
Irrésistible, le caillou est l’objet de collections compulsives.
Et je ne parle pas ici des cailloux qui n’en sont pas vraiment comme les
débris de vestiges antiques, ou les fossiles. Non, il s’agit du
simple caillou, posé au bord du chemin. Que celui qui n’en a jamais
ramassé un me jette la première pierre. Nous avons tous fait
ça au moins une fois : étonnés par la forme, la texture,
la couleur d’un caillou, nous le ramassons et l’empochons. Pour marquer
(d’une pierre blanche) un jour, un lieu ? Pour conserver trace de la merveilleuse
nature ou garder mémoire de notre propre surprise face à
elle ?
Jouet, souvenir, outil, le caillou est fidèle, car on le retrouve
généralement là où on l’a posé, au fond
de notre poche, sur une étagère… On ne jette pas un caillou,
alors on le garde. Mais que faire de tous ces cailloux ramenés chez
soi et traînant ensuite sur les rayons de la bibliothèque,
gisant au fond de boites hétéroclites, à la cave,
au grenier ou décorant la cheminée, témoins poussiéreux
de promenades et de sites depuis longtemps oubliés.
Bien entendu, vous en ferez ce que vous voulez, quant à moi plutôt
que de les jeter au fond du puits ou d’en faire une mosaïque pour
table basse, je préfère exploiter leur personnalité
de cailloux, mettre en lumière leur forme et leur matière.
Je les transforme et les transfigure. D’anonymes et d’interchangeables,
ils accèdent alors au statut d’êtres uniques. En effet, chaque
caillou que je ramasse devient, après quelques coups de pinceau…
une maison en miniature !
Cela mérite sans doute, sinon un fromage, du moins quelques explications.
Alors, visite de l’atelier !...
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Du petit caillou à la petite maison
Pour cette transformation « philosophale » (de la pierre
du même nom), l’installation et le matériel sont des plus
simples et la méthode, celle des 3P : Peinture, Pinceau et
… Patience. |
1 - Tout commence donc par un caillou, on pourrait dire un «vulgaire»
caillou, si ce n’est qu’il n’a pas été ramassé au
hasard et que sa forme est déjà en soi tout un programme. |
2 - Après avoir été lavé et brossé,
le caillou est recouvert d'une couche de peinture de fond claire. Cette
teinte égale et douce va permettre aux formes de s'exprimer. |
3 - C’est au pied du mur qu’on voit le maçon et c’est ici
que débute la phase « créative » du processus.
Au crayon noir, en respectant les reliefs du caillou et en les utilisant,
il s'agit de faire surgir le dessin d'une maison. Les éléments
sont simples et peu nombreux : toit, portes, fenêtres, poutres, mais
leur agencement infini. |
4 - Quand le caillou est « habillé » sur toutes
ses faces, on repasse les traits de crayon à la peinture. L’ouvrage
de l’architecte se termine ici, place aux ouvriers qui vont entamer les
différents travaux successifs et nécessaires au projet. |
5 - Dans cette construction qui n’en est pas une, on fait tout à
l’envers : on débute par le toit. Rouge, comme les tuiles sous le
soleil. |
6 - Pour uniformiser l’aspect des murs, on y dépose une sorte
de crépi, très réaliste, à base de peinture
acrylique et de sable fin. |
7 - On passe ensuite aux portes et aux fenêtres. Un bleu foncé
donne toute la profondeur nécessaire aux pièces supposées
de la demeure. |
8 - L’ensemble des murs est recouvert d’un badigeon léger
de couleur chaude. Cette application détermine la tonalité
finale de l’ouvrage. |
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9 - On retourne aux portes et fenêtres, car le vitrier
est passé. Un bleu clair, contrastant avec le bleu foncé
des ouvertures, dessine très finement les différentes croisées. |
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10 - Quelques touches de couleur claire suggèrent les pierres.
Le caillou disparu, reste une maison. Un modèle unique, habillant
le simple caillou qui en était la charpente. |
D’autres réalisations, un peu plus sophistiquées,
sont possibles. Par exemple, ici, le projet combine plusieurs cailloux.
Après de multiples essais, un dessin est mis au point qui établit
le schéma d’ensemble du montage. Il ne reste plus qu’à agencer
les différents cailloux et à les fixer les uns aux autres
grâce à un enduit.
Après séchage, les travaux se succèdent suivant
les mêmes étapes que pour une maison toute simple, sauf qu’ici
c’est un manoir !
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Esquisse du projet
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Les cailloux agencés avant leur collage
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Certes, vous allez me dire : « Ne sachant plus que faire des
cailloux, vous les avez transformés en petites maisons, c’est bien
beau mais le problème n’est que repoussé, car que faites-vous
des petites maisons, maintenant ? »
En fait, c’est un faux problème. On peut en faire cadeau, par
exemple. Si vous donnez un caillou à un ami, il vous prendra pour
un fou, mais si vous lui offrez une petite maison, il vous prendra pour
un fou gentil. On peut aussi les vendre en brocante (si, si, ça
marche). De toute façon le stockage des petites maisons est plus
décoratif que celui des simples cailloux. Une petite maison sur
le plan de travail de la cuisine, c’est original ; un caillou, c’est suspect.
Bon, reste la solution du coffre à la cave… C’est celle que j’ai
choisie. Tout mon musée de cailloux tient dans une boite… Visite
guidée ! |
Entrée du musée des cailloux
La maison de ville
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La maison médiévale
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La ferme du pendu
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Le Château
(réalisé suivant la technique des cailloux collés)
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Le Château
(détail)
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La Ville
(première réalisation, il y a 20 ans...)
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La maison du vigneron
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Maison du Père Igor
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La Place du Village
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La Place du Village (détails)
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Allez, il faut que je vous quitte car…
D’autres cailloux m’attendent au long du chemin
Et le plus beau des cailloux est toujours le prochain.
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Texte, photos et méthode de décoration
des petits cailloux sont sous copyright Guy Robert
Les cailloux présentés ont été
peints par l’auteur
Mai 2011
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