Avril 2012
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UNE REHABILITATION BOTANIQUE

Le printemps est là, si, si… Au-dessus des forêts, les nuages semblent brouter les jeunes bourgeons, comme d’énormes moutons affamés. Et que voit-on dans l’herbe fraîche et haute des prairies ? La multitude étoilée du jaune pissenlit !
Voilà bien une fleur dont personne jamais ne parle : ni le poète, ni le peintre, ni les amoureux, ni les jardiniers. Trop peuple, sans doute, un peu voyou sur les bords, le pissenlit. Ah ! Chantez-moi le primevère modeste et timide, le fragile coucou des fossés, le bouton d’or délicat des champs, la violette cachée… mais le pissenlit, pouah !
Pourtant à cette époque, il émaille les prés de ses milliers d’étincelles d’or, fermé le matin, s’ouvrant au jour pour se refermer le soir venu. C’est la touche de couleur vive dans le pastel du printemps.
Alors, réparons cette injustice, réhabilitons la fleur ignorée,
chantons la beauté enfin reconnue de la plus roturière de nos plantes.
Le Pissenlit, dans ses nombreuses variétés, possède comme tout un chacun un joli nom latin. Eh oui, toutes les plantes en ont un et le pissenlit ne déroge pas à cette savante pratique. Pour lui c’est le "Taraxacum". On l’appelle aussi "Dent-de-lion", du fait de la forme dentelée de ses feuilles. Ce "dent-de-lion" a donné sa tournure au nom anglais désignant le pissenlit : "dandelion". Et pour ce qui est du vocable français pissenlit il fait référence quant à lui aux propriétés diurétiques de la plante (et ce n’est pas un jeu de mots). N’est-ce pas merveilleux ?

En cuisine, on sert volontiers cette plante sauvage en salade. Elle peut également, cuite, remplacer les épinards ou venir en complément de certaines soupes. Mais qui sait que ses fleurs en bouton peuvent remplacer les pointes d’asperges et que ses racines convenablement grillées sont un substitut au café ? C’est vrai que quand on évoque les racines, on pense plutôt à la fameuse expression, très imagée, "manger les pissenlits par la racine", c’est-à-dire être mort et enterré.

Sa fleur égaie nos paysages, mais on devrait dire "ses" fleurs.

En effet, la fleur du pissenlit est en fait un bouquet de plusieurs centaines de fleurs minuscules (ce qu’on prend pour les pétales) réunies dans un réceptacle unique (nom scientifique : capitule).

D’ailleurs, quand "la" fleur monte à graine, chacune de ces fleurs donne une petite graine avec son petit parachute, l’ensemble formant cette boule duveteuse et fragile immortalisée par les éditions Larousse ("je sème à tout vent"). 

Portées par la brise, certaines de ces graines peuvent parcourir jusqu’à 10 kilomètres… ceci explique que les pissenlits, on en trouve partout et c’est magnifique, non ?

Mais avant que la graine ne parte dans le vent, profitons encore de ces petits soleils sans prétention jetés sur le paysage. C'est beau, hein ? Ma grand-mère disait que "la beauté ne se mange pas en salade". C’est vrai, exception faite… des pissenlits ! 
© Guy Robert - avril 2012