Si Linutil, comme vous le savez sans doute, a la
tête près de Paris, son cœur, lui, est dans la Nièvre,
en bordure de la Puisaye. Mais quoi qu’ c’est-ti don’ qu’ce pays ?
Région d’étangs, de marécages et de forêts
sombres, entre Gâtinais et Nivernais, la Puisaye n’est pas bien grande.
Son nom, d’origine celte, viendrait de "Poy" (pays humide) et de
"Saga"
(forêt).
Humide, on n’en doute pas. L’argile souple du terrain n’a-t-elle pas permis
le développement, jusqu’à nos jours, de tout un artisanat
de la poterie (à Saint-Amand-en-Puisaye et ses environs)
? Autres lieux connus :
- Saint-Fargeau : la Grande Mademoiselle, en exil, séjourna
au château. Beaucoup plus tard, le marquis qui racheta la demeure
fut un des rares aristocrates à voter la mort de Louis XVI (il le
paya de sa vie, assassiné par un de ses anciens gardes du corps,
la veille de l’exécution du Roi). Chaque année, en été,
un spectacle son et lumière rassemble les habitants de la commune
et met en scène l’histoire de ce lieu.
- Tout près de Saint-Fargeau, Guédelon. Là,
on construit un château fort médiéval, comme au temps
de Philippe Auguste, avec les mêmes matériaux, les mêmes
outils et les mêmes méthodes qu’au XIIème siècle.
Linutil a évoqué ce chantier hors du temps dans une de ses
rubriques précédentes. Si tout se passe bien (pour Linutil
et pour le chantier), on pendra la crémaillère à Guédelon
en… 2025 (soit vers le 300ème épisode des aventures de Linutil
!)
On pourrait encore citer Saint-Sauveur-en-Puisaye où est
née Colette ; Toucy qui a vu la naissance de Pierre Larousse,
le fameux encyclopédiste dont l’ouvrage trône dans tous les
foyers de France. Et justement, ça tombe bien, car…mais patience,
nous y sommes presque…
En Puisaye, comme partout dans nos campagnes, les anciens parlaient
"patois". La plus simple des histoires de village prenait alors dans leur
bouche des accents inoubliables. Mais voilà ! la TSF, l’école
obligatoire, l’automobile à moteur ont peu à peu repoussé
la langue coutumière aux frontières de l’oubli. Comme les
derniers vestiges d’un monument effondré, d’une civilisation disparue,
quelques expressions survivent, rappelant ce qui fut un langage, un mode
de vie, une culture.
Un petit livre, édité à compte d’auteur, "L’parler
d’cheu nous - lexique du patois de la Puisaye" d’Alain Lejeune, nous permet
de retrouver et de partager ces expressions savoureuses, ces mots issus
de la terre et du vent et qui parlent si bien du pays. Alors, feuilletons
ce lexique du parler poyaudin, très proche du morvandiau comme on
le verra. Les définitions et exemples qui suivent sont extraits
de l’ouvrage cité en référence. Et comme tout dictionnaire
qui se respecte, nous commencerons donc par la lettre A. |
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Arcandié (un) |
Personne maladroite et mal organisée. |
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Areuiller (s') |
S’étonner, ouvrir grand les yeux à la vue de quelque
chose d’étonnant. |
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Avalou (une) |
Personne qui a un gros appétit (qui avale). |
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Arias |
Ennuis, misère.
"ça m’en a-ti fait des arias, c’t’histouère !" :
ça m'en a donc fait des ennuis, cette histoire ! |
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Battre des manigoinches |
Parler pour ne rien dire. |
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Bavocheux |
Personne qui boit beaucoup, chez ses voisins,
à droite, à gauche. |
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Berlaud,
Berluche |
Naïf, innocent |
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Buie ou buée |
Lessive.
"Couler la buie" : faire la lessive |
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Cagnats |
Avoir les cagnats : avoir des courbatures, suite
à un travail éreintant.
"Mon pé, il a les cagnats d’avouère acorné
la bouchue tout’ la jornée" :
Mon père, il a des courbatures d’avoir taillé la haie
toute la journée. |
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Calon |
Noix |
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Charibaude |
Flambée vive pour réchauffer la
pièce. |
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Cheu |
Chez
"I s’en est r’vn’i cheu nous." :
Il est revenu chez nous. |
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Dépatter |
Retirer la boue de ses chaussures ou de la charrue. |
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Détorber |
Déranger quelqu’un. |
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Ecouillou |
Ecureuil
"L’écouillou, i s’est mussé dans l’abe." :
L’écureuil s’est faufilé dans l’arbre. |
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Empicasseux |
Sorcier, personne qui jette des sorts. Et pour
retirer les sorts jetés, il faut trouver un "désempicasseux"
;
logique ! |
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Empiger (s') |
Se prendre les pieds, s’empêtrer |
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Ensuqué |
Mal réveillé. |
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Fanfareux |
Musicien dans une fanfare. |
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Flûter |
Siffler
"Ben, v’la l’caïffa qui flûte" :
Voilà l’épicier (ambulant) qui siffle (klaxonne pour
prévenir les clients). |
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Fumerons |
Grosses cuisses.
"La Mélie, alle en a d’ces fumerons !" :
La Mélie, elle en a de ces grosses cuisses ! |
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Gauger |
S’enfoncer dans la boue, si bien qu’elle passe
par-dessus le bord des chaussures ou des bottes. |
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Gigasse |
Femme très grande et très maigre. |
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Goulotte |
Petite fenêtre sans vitre. |
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Houmme,
Houme |
Homme
"Les’ hoummes ? A c’t’heur’, i sont à la cave, marche !"
:
Les hommes ? En ce moment ils sont à la cave, va ! |
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Hûcher |
Hurler, crier, pleurer. |
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Iau |
Eau. On peut également écrire "Yau".
"Va don’ m’tirer un siau d’iau" : Va donc me puiser un seau
d’eau. |
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Incomprenable |
Incompréhensible. |
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Kiou |
Clou
"C’t arcandié, i sait mêm’ pas pianter un kiou !"
:
Ce bon à rien ne sait même pas planter un clou ! |
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Léchepot |
Index (le doigt avec lequel on "lèche
le pot"). |
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Louqu’tter |
Frapper à la porte. |
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Lurlure (à la) |
A vue de nez. |
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Manigot |
Escargot. |
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Marci |
Merci |
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Matelas |
Prononcer "mat’lâ". Epi du roseau
(qui était autrefois utilisé pour garnir les matelas). |
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Mée |
Mère.
"La mée Julie, alle est ben drue pour soun âge!" :
La Mère Julie, elle est vigoureuse pour son âge ! |
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Neu’ |
Neuf, neuve. |
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Niarton |
Petit enfant. |
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Ourser |
Corriger, rosser. |
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Ourtie |
Ortie.
"L’ot’ jor, il a tombé dans les ‘ourties, te l’aurais entendu
hûcher !" :
L’autre jour, il est tombé dans les orties, tu l’aurais entendu
crier !
Attention, on ne fait pas la liaison entre "les" et "ourties". |
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Patouillon |
Lavette pour nettoyer la table |
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Pé |
Père
"L'pé Françoué i' minze qu' du formage mou."
:
Le Père François, il ne mange que du fromage blanc. |
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Purne ou parne |
Prune |
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Pour' |
Pauvre
"El pour' houmme !" : le pauvre homme ! |
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Quoué' qui gnia ? |
Qu'est-ce qu'il y a ? |
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R'linger (se) |
Se changer, mettre du beau linge. |
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Rabatchau |
Personne qui prétend savoir tout faire,
mais ne fait jamais rien de bien (voir arcandié). |
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Riau, rio |
Ruisseau |
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Rouquille |
Petite quantité, petite goutte.
"Eun' rouquille d'parne dans l'fond d'la tasse" :
Une petite goutte de prune au fond de la tasse. |
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Sarpent |
Serpent.
Tous les mots en "ser", "ver", "mer" (en français) se
prononcent "sar", "var", "mar" en patois :
"Eun' sarpette" : une serpette.
"Il a rein dans la sarvelle" : il a rien dans la cervelle.
"varte" : verte
"marle" : merle |
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Siéter |
S'asseoir.
"Siète-toué don' eune mineute, t'as ben l'temps."
:
Assis-toi une minute, tu as bien le temps. |
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Tchio |
"Avoir du tchio" : avoir de la force,
du courage. |
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Te |
Tu.
"Te vas pas y r'véni !" : Tu vas pas y revenir ! |
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Ti |
Particule interrogative ou exclamative renforçant
la phrase.
"T'es-ti réveillé ?" : Es-tu réveillé
?
"C'est-ti pas Yieu possible !" : C'est pas possible ! |
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Tire-monde |
Sage-femme.
Noter l'expression savoureuse. Ne dit-on pas : "mettre au monde…" |
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Toumate |
Tomate.
Beaucoup de mots en "o" se prononcent "ou", comme
:
"tounneau" : tonneau
"tounnerre" : tonnerre |
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Truffe |
Pomme de terre. |
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V'ni |
Venir.
"Vous allez ben v'ni nous vouèr pou' la Nouël !"
:
Vous allez bien venir nous voir pour la Noël !" |
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Verdigot |
Vif, turbulent (enfant). |
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Viau |
Veau. |
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Yabe |
Diable. |
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Yeu |
Dieu. |
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Yeuve |
Lièvre. |
Voilà donc un petit aperçu de notre
belle langue. Alors, me direz-vous, à quand un épisode de
Linutil parlant morvandiau (ou nivernais, ou poyaudin) ? "Oh, ça
s'fr'a ben un jor, marche !"
En attendant, et comme on dit là-bas, "A la r'voyure !". |
Guy Robert - octobre 2012
Inspiré et extrait de l'excellent lexique "L'parler d'cheu
nous" d'Alain Lejeune, édité par lui-même
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