De nos cinq sens, la vue est sans doute celui qui nous est le plus
utile dans la vie de tous les jours, mais aussi celui qui nous trompe le
plus souvent et le plus complètement. Ne dit-on pas que, parfois,
on nous fait prendre des vessies pour des lanternes ou qu'on ne voit pas
plus loin que le bout de son nez ?
La vision est chose étrange. Plus précis qu'un "objectif",
notre regard est, par construction, "subjectif" : c'est que notre cerveau
traite les images qu'il reçoit et les interprète d'après
ce qu'il sait (ou croit savoir), ce qu'il a comme expérience, comme
réflexe acquis, ce qu'il croit, ce qu'il attend. On ne voit que
ce que l'on veut voir. Pour s'en convaincre, un petit tour dans le monde
des illusions d'optique nous ouvrira les yeux, si l'on peut dire…
Une illusion d'optique est, bien souvent, une illusion du cerveau
: une image astucieusement construite nous conduit à une perception
erronée ou altère notre jugement ou nous propose une réalité
impossible, mais pas toujours....
Premier exemple : Ainsi, dans l'image ci-contre,
on semble discerner de fugitifs points gris aux intersections des lignes
de la grille. Mais ils n'existent pas. Ce sont les cellules de notre rétine
qui en projettent le dessin, en essayant de compenser les contrastes entre
le noir et le gris. Cette illusion est donc due à la physiologie
de notre œil.
On ne peut ni la raisonner, ni l'empêcher de se produire. Par
contre, en fixant précisément une intersection, le phénomène
diminue : c'est que les cellules proches du centre de la rétine
sont plus aptes à résoudre les différences de contraste. |
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Autre exemple d'illusion, cette fois due à une simple erreur
de jugement : Sur ce dessin, le trait A semble plus court que le trait
B. En fait, il n'en est rien, A et B étant égaux.
Ici, ce n'est pas notre œil qui est en cause, mais notre cerveau, trompé
par les flèches aux extrémités des traits.
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Du même type, et tout aussi spectaculaire, le dessin
ci-contre nous montre deux tables dont l'une (la table A) est nettement
plus longue et étroite que l'autre (la B). Après vérification,
vous pourrez constater que les 2 tables sont absolument identiques.
C'est leur orientation et la fausse perspective qui en découle qui
nous les font apparaître différentes. |
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Les images cachées : Dans ce dessin, on peut
voir, au choix, un vase blanc sur fond noir ou 2 profils noirs
se faisant face sur un fond blanc.
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C'est ce type d'images cachées qui a nourri les devinettes de
notre enfance. Notre regard parcourt une image apparemment banale, à
la recherche d'un personnage ou d'un objet habilement dissimulé
dans les traits du dessin. La Manufacture d'Images d'Epinal en avait
fait une de ses spécialités.
Ci-contre, un exemple simple : Le pêcheur vient de prendre
un poisson, mais où se cache-t-il donc ?
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N.B. Pour ceux qui n'ont pas la patience de chercher, le poisson
est entre les 2 branches de l'arbre, juste au-dessus du tronc.
Dans la même veine, certaines images nous donnent le choix entre
plusieurs, généralement 2, interprétations, l'une
étant aussi valable et justifiée que l'autre. C'est alors
simplement, c'est le cas de le dire, une question de point de vue. Ci-contre,
nous avons affaire, au choix, soit à un canard tourné
vers la gauche, soit à un lapin tourné vers la droite,
le bec du canard se transformant en oreilles de lapin. |
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Plus subtil, ce "masque de l'amour" d'inspiration vénitienne
montre le visage "ordinaire" d'un homme, les yeux pudiquement baissés.
Si l'on y regarde mieux, on peut découvrir que ce masque cache
en fait un couple s'embrassant (le visage de l'homme est à
droite et celui de la femme à gauche).
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D'autres illusions sont bâties sur ce que notre cerveau attend
d'une représentation graphique normale, c'est-à-dire qu'elles
répondent aux règles de la géométrie et de
la perspective telles qu'on peut les voir à l'œuvre dans le monde
réel. En "trichant" dans l'application de ces règles, l'illusion
amène notre cerveau à tenter de résoudre logiquement
ce qu'il perçoit, sans succès. Ce type d'illusions est dit
"illusion
paradoxale" ou "objet impossible".
Il en va ainsi du "triangle de Penrose" (ci-dessous), figure
géométrique tracée dans un monde en deux dimensions
mais impossible à construire dans un monde en 3D comme le nôtre.
Les illusions d'optique ont inspiré nombre d'artistes, d'Arcimboldo
(qui peint des portraits composés de fruits et de légumes),
à Dali (qui cache dans ses toiles des personnages célèbres).
Un des maîtres du genre est sans contexte Maurits Cornilis Escher.
Cet artiste néerlandais (1938-1972) a produit essentiellement des
gravures, toutes (ou presque) basées sur la répétition/transformation
des figures ou sur les objets impossibles tels que nous venons d'en voir
le principe (il se lia d'amitié avec le mathématicien Penrose).
Une petite promenade dans l'univers de cet artiste est un véritable
défi à la raison euclidienne, et souvent à la raison
tout court.
Ainsi, dans "Sky and Water I" (ci-contre),
nous assistons à la lente métamorphose d'un poisson
en canard dans un spectaculaire croisement de formes.
Les poissons blancs se transforment en ciel et les vagues noires de
l'eau se transforment, dans le même temps, en vol de canards. L'habileté
du dessin réside dans l'exploitation des espaces séparant
les figures : entre les poissons naît la forme du canard et entre
les canards le poisson, chaque dessin s'affirmant au fur et à mesure.
C'est l'application (géniale et très habile) du vase blanc
et des visages noirs vus plus haut.
Escher a réalisé de nombreuses œuvres sur ce principe
(appelé "pavage"). |
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Mais l'œuvre sans doute la plus connue de cet artiste relève
des constructions impossibles.
Il s'agit de la fameuse "Chute d'eau".
L'image est redoutable car elle paraît de prime abord complètement
normale : une rivière tombe en cascade et alimente un moulin dont
elle fait tourner la roue.
Rien de plus banal. Sauf qu'en observant plus attentivement la
gravure, on constate que la rivière dans laquelle se jette la cascade
est la même que celle qui alimente la chute d'eau : la rivière
remonterait donc le canal qui la contient ! Une sorte de mouvement
perpétuel (en dessin), défiant les lois de la gravité
et de la dynamique. |
Un rêve d'artiste… Mais n'est-ce pas justement le rôle de
l'art de nous faire croire aux rêves et de nous donner l'illusion
de les vivre ?
Linutil - janvier 2014
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