Ah ! les saisons ! Y'en n'a plus, ou y'en a trop, je sais plus… Difficile le métier de poète, dans ces conditions. Y'a plus de rimes, mais y'a plus de météo non plus…

Voilà que dans l'herbe s'allume
L'œil brillant des petites fleurs
Qu'on n'avait plus vues depuis l'automne.

Comme d'impertinentes demoiselles
Retrouvant le goût des toilettes,
Elles se pavanent au soleil.

On pourrait croire qu'elles vont
Se mettre en marche.
Mais pour aller où ?

En bateau avec les papillons
Qui leur feront des voiles ?
A un déjeuner sur l'herbe en compagnie
D'oiseaux poètes
À la plume légère ?
Au concert donné par ces messieurs
Les grillons ?

Ah non ! Faut rien exagérer, les grillons ne sont pas là. Ces fainéants sont encore à dormir dans leurs souterrains d'hiver, rêvant canicules et mélodies. Grillons mal rasés qui l'été venu iront encore mendier, par les rues et les champs, sympathiques et insouciants musicos.

Mai voilà que s'avance,
À pas comptés c'est sûr,
Dans la lumière de l'après-midi,
Le plus beau des jeunes hommes,
Élégant comme un prince au Bois Dormant
Dans son uniforme d'officier,
J'ai nommé :
Le crocus !
 

Du grec "krokos", qui signifie "pollen" mais aussi "jaune d'œuf", cette fleur compte dans ses rangs la fameuse variété "crocus sativus" produisant le non moins célèbre safran, mais laquelle fleurit en automne, contrairement à notre jeune prince qui ne connaît que le printemps.
 

Pim-pant ! Pim-pant !
Le crocus annonce vraiment
Le printemps !
Et les marguerites,
Ces sottes,
De se pâmer en regardant
Son beau mantelet
Violet
Et ses épaulettes jaune-pétard.

Au bal de ce soir
Laquelle fera-t-il danser
Sous la lune et dans la rosée ?
Vers laquelle
Penchera-t-il sa tête blonde
Et ses lèvres rosées ?
Laquelle effeuillera-t-il
D'un romantique et distrait pétale ?

Mais que nenni ! Car dès le crépuscule tombé, notre fringant crocus se sera refermé ! Ah l'impénitent couche-tôt ! Quel ballot !