Avril 2014
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Une promenade nivernaise


 

Par un bel après-midi de printemps, nous voilà sur les routes nivernaises, entre champs de colza et pommiers en fleurs.

Nous montons vers l'horizon des forêts, là-haut, sur la crête des collines.
Plus de bruits, plus de vent. Un chant d'oiseau parfois dans le taillis. Le silence de la forêt, fait de mille chuchotements, se referme sur notre chemin.

Mais où conduit donc ce sentier perdu au cœur des bois, loin de tout et de tous ?

 


Nous débouchons bientôt dans une étroite clairière. Au centre se dresse un arbre au tronc énorme et fendu : le gros châtaignier. On l'appelle "le gros châtaignier", mais les historiens et spécialistes nomment ce lieu "La Grosse Châtaignée".

L'arbre est vieux de plus de 3 siècles, presque 4 maintenant, depuis le temps qu'on le dit. Complètement creux du haut en bas, mais toujours vert. A l'automne, des myriades de châtaignes tapissent ses alentours.

Quand on pense qu'il eut ses premiers fruits sous Louis XIV ! Enfin, pas exactement dessous, car les châtaignes ça pique…

L'ouverture du tronc fait comme un porche, et on peut se loger à cinq ou six personnes dans l'épaisseur de l'arbre. Il a dû en abriter des promeneurs surpris par la pluie, des amoureux, des chasseurs et des chassés…La foudre, ou des feux de camp imprudents, ont noirci son écorce. Qu'importe, contre vents et marées, il garde le front haut, le pied solide et la châtaigne aiguë.

Il fut un temps, racontent encore les historiens, où cet arbre se dressait à la croisée de deux routes dont l'une conduisait au village de "Bois-des-Prés". Joli nom ! On pourrait presque se croire dans une aventure de "Sylvain et Sylvette".
 

De ce village, il ne reste plus rien. Pas même une pierre : les ruines ont été dévorées par la forêt. Si on ne sait plus exactement où se situait Bois-des-Prés, certains voient dans les fossés ou dans quelques bosses ondulant parmi les arbres, les vestiges d'anciennes chaumines. Mais il y faut pas mal d'imagination… Non, seul le gros châtaignier demeure après tout ce temps, plus solide que la pierre.

Mais ne dit-on pas que l'ouverture creusée dans l'arbre est la porte vers le Pays des Merveilles, qui ne s'entrebâille qu'un court instant, juste le temps de laisser passer l'explorateur courageux qui s'y hasardera ?

Alors, si vous passez par Couloutre, dans la Nièvre, cherchez le vieux châtaignier : vous y rencontrerez peut-être le Lapin Blanc ou le Chapelier Fou…


Guy Robert - Avril 2014