Février 2016
Les autres N°


DES BOSSES ET DES CREUX
C’est sur le chemin de la boulangerie, un dimanche matin, que je l’ai trouvé : un sou en cuivre. Sur le coup, j’ai cru reconnaître un bête centime d’euro perdu par un passant. Mais non, en y regardant de plus près il s’agissait de son ancêtre regretté et néanmoins sans valeur, le bon vieux centime de franc. Hein ! Quel trésor, pas vrai ? J’étais sur le point d’abandonner ma prodigieuse découverte au passant suivant quand insidieusement cette petite pièce de rien du tout m’a ramené au temps (lointain) de mon enfance.

De retour de faire ses courses, ma maman me prêtait quelquefois une de ces grosses pièces de monnaie qu’on appelait « ferraille » à l’époque. Je posais une feuille de papier sur la pièce puis passais patiemment et minutieusement un crayon de couleur sur la feuille. Le miracle s’opérait alors : l’image de la pièce apparaissait peu à peu, comme par magie. Je renouvelais le prodige plusieurs fois, dans toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, et bientôt à la tête d’une petite fortune, je passais à un autre jeu. Mais sans le savoir, je faisais ainsi de l’estampage.
 

Quand les archéologues s’amusent

L’estampage est un procédé encore utilisé de nos jours par les archéologues pour relever grandeur nature et très précisément les inscriptions et motifs gravés sur les monuments (par définition intransportables).  Cette technique, branche de l’archéologie que l’on nomme joliment « épigraphie », permet d’effectuer une copie fidèle et grandeur nature des inscriptions relevées sur les monuments, tout en les préservant. On positionne un papier assez fin sur l’inscription à reproduire et on passe doucement un crayon sur toute la feuille. Les reliefs apparaissent alors en noir, tandis que les creux restent blancs. La méthode est simple à mettre en œuvre et ne nécessite aucun matériel compliqué ni spécifique, d’où son succès.

Technique d’estampage

Un petit croquis valant mieux qu’un long discours…

Quelques 60 ans plus tard, j’ai renouvelé l’expérience. En fouillant dans les tiroirs je suis tombé sur de la vieille monnaie qui se prête particulièrement bien à l’opération car assez grande et gravée sans fioritures. En regardant autour de moi, j’ai également trouvé d’autres sujets à estamper, dans le bon sens du terme, s’entend… Venez donc visiter mon petit musée de l’estampage, traces éphémères, reflets fragiles mais fidèles d’objets réels.
Voici la pièce de monnaie mythique, celle avec laquelle, enfant, j’obtenais les résultats les plus probants : la pièce de 5 Francs 1949. En aluminium blanc, large et bien dessinée, c’est l’idéal pour de telles empreintes… et pour les petites mains malhabiles.
Bien entendu, avec sa plus grande taille et la finesse de sa gravure, le 50 Francs argent de 1979 est une monnaie de collection qui convient bien à l’exercice, surtout pour les enfants. Le problème, c’est de la récupérer après estampage, sinon c’est vous qui seriez estampés…
 
Si vous craignez que votre collection ne disparaisse peu à peu dans la tirelire du petit-fils, rabattez-vous sur nos euros ordinaires, ça marche aussi.
Bon, mais la pratique de l’estampage ne s’arrête pas aux monnaies. Bien d’autres supports sont praticables, et là c’est l’imagination au pouvoir. Qu’on en juge ci-dessous.
Tapis en cordes tressées
Papier peint gaufré
Mur en ciment brut
Les dessins pyrogravés (gravure dans le bois à l’aide d’une pointe chauffée, technique ayant déjà fait l’objet d’une rubrique par le passé dans le n°114 de février 2011) font aussi parfaitement l’affaire. Le trait, creusé dans la planche de bois, est reproduit, après frottis, en blanc sur le papier. En utilisant plusieurs crayons de couleur, l’estampage s’enrichit et devient plus artistique.
On l’aura compris : tout ce qui présente des aspérités, des creux, des bosses, peut être reproduit par frottis.
Il est possible de créer ses propres "matrices" (objets permettant la reproduction par estampage), simplement et au moindre coût : dessiner sur un carton épais, puis repasser sur les traits, avec un stylo bille, en appuyant fortement ; ensuite, il suffit d’appliquer la technique du frottis que nous venons de décrire.

C’est ainsi qu’ont été reproduits la fleur de gauche et  ci-contre ce personnage de BD bien connu

La prochaine fois que les petits-enfants viendront passer le mercredi à la maison, vous saurez comment les occuper, pas vrai ? Et vous vous réjouirez de les voir courir gaiment avec leurs crayons de couleur partout dans la maison, écrivant sur les murs, les rideaux… Charmants bambins…

Alors, à bientôt, pour d’autres idées lumineuses comme celle-ci !


© Guy Robert – Février 2016