J’ai toujours été attiré par le son. Je trouve le son plus apte à évoquer et à faire rêver que l’image, par exemple. C’est qu’avec le son, on est obligé d’imaginer. Ah ! ces feuilletons policiers, à la radio, où on entendait les pas de l’assassin sur le pavé mouillé… C’est l’auditeur qui imaginait la silhouette marchant dans l’ombre de la rue. Et cela était rendu possible sans caméra, sans éclairages sophistiqués, sans décors coûteux ni équipe technique, simplement par un bruitage de quatre sous et… un magnétophone. Le magnétophone, merveilleuse machine à écouter le temps. Alors, dès que j’ai pu m’en faire offrir un, de magnétophone, j’ai plongé. Et depuis je nage dedans. Sans être un spécialiste et sans vouloir être exhaustif, voilà donc mon petit musée personnel, vivant, de mes… |
Eh oui, c’est qu’au fur et à mesure des avancées
technologiques, j’ai conservé pratiquement tous les appareils que
j’avais acquis, et la plupart fonctionnent encore, les plus anciens étant
les plus robustes !
Au temps des pionniers Commençons par celui qui m’a ouvert les portes de l’univers sonore, mon premier magnétophone, le Grundig TK27L. Avant toute chose, je tiens à préciser que les marques citées ici, le sont libres de toute publicité, et uniquement dans un but documentaire et historique. A l’époque (les années 60), je faisais déjà de la musique et mon plus grand désir était d’enregistrer, seul, plusieurs instruments. Pour cela, il fallait soit aller dans un studio professionnel soit acquérir un magnétophone un peu sophistiqué. Le choix n’était pas bien grand et dans ce domaine précis plutôt dominé par l’industrie allemande (les inventeurs du magnétophone). Le Grundig TK27L était stéréo 2 pistes mais permettait également d’enregistrer une piste tout en écoutant l’autre. Toute l’astuce était là. Cette astuce s’appelle le « re-recording » (réenregistrement, en français) ou « overdub » (doublage). Le principe est simple :
Cette technique s’appelle également, dans le jargon
du métier, « ping-pong ». Très pratique et riche
de possibilités, elle dégrade cependant la qualité
sonore de l’ensemble, au fur et à mesure des copies.
Dans cet exemple sonore (document d’époque !), j’ai joué et enregistré successivement : 2 guitares, 1 flute, 2 voix pour les chœurs et 1 voix solo pour le chant.Soit 6 parties différentes. Bon, le résultat n’est pas très clair mais en ces temps éloignés, ça faisait mon bonheur et épatait les copains ! Il fallait donc être très minutieux dans
la prise de son. Pas question de s’apercevoir, à la fin, qu’il y
avait une fausse notre à la première guitare ou que le contrechant
de la flute était trop fort, sous peine de tout recommencer depuis
le début. Les réglages devaient être parfaits (ou s’en
approcher), car tout défaut était amplifié par les
copies successives… La mise au point demandait donc parfois beaucoup de
préparation, de répétition, d’essais et d’échecs.
Mais personne ne protestait : j’étais tout seul, flutiste, chanteur,
guitariste, ingénieur du son, producteur… et parfois unique auditeur
! Et tout ça, grâce au magnétophone.
Grosse bête Le temps passant, j’ai opté pour un appareil un
peu plus gros et perfectionné...
Il permettait des enregistrements à plus grande
vitesse (19cm/s), ce qui améliorait la captation des aigus et la
fidélité, d’une manière générale. Là
encore, la technique de re-recording était au menu, plus élaborée
et plus précise.
Bon, ok, cela sonne encore très « monophonique ». Mais au seuil des années 1980, la technologie allait faire un bond en avant grâce… à la cassette !
Ma cassette, ma cassette, on m’a volé ma cassette ! (Molière) La cassette existait depuis un moment déjà,
depuis 1963 exactement, inventée par la société
Philips. On l’appelait alors « cassette audio » ou «
minicassette » ou « musicassette » ou encore plus simplement
« K7 ». Ce petit support (qui renfermait une bande magnétique
embobinée dans une boite en plastique) s’utilisait dans un magnétophone
à cassette dit « magnétocassette ».
J’ai pas 6 bras, mais j’ai 4 pistes Dans les années 80 sortent les premiers enregistreurs
multipistes à cassette. Le mien s’intitulait pompeusement «
Ministudio TASCAM Porta One ». Comme son nom l’indique, c’était
un mini studio d’enregistrement portable (car pouvant fonctionner avec
6 grosses piles). Il fonctionnait avec une cassette audio normale, mais
offrait 4 pistes indépendantes. Ce miracle technique avait
été rendu possible en faisant défiler la bande dans
un seul sens (pas de face B), utilisant ainsi en parallèle les 4
pistes de la bande. Pour une meilleure qualité sonore, la bande
tournait à 9,5cm/s, soit le double de ce qui était la norme.
L’appareil embarquait également un réducteur de bruit («
Dolby ») afin de limiter le souffle. Un bel engin, donc.
Bien sûr, là où le bât blesse
c’est dans l’enregistrement du mixage. Si on veut écouter le résultat
sur un appareil grand-public (chaîne hi-fi ou lecteur cassette),
il faut le copier en branchant un simple magnétophone à la
sortie du multipiste. Il en découle une inévitable dégradation
sonore. Mais bon, on s’en satisfait. Combien de groupes amateurs, dès
lors, ont pu proposer leur « maquette » sur une simple cassette
! On dit même que certains disques ont été pressés
à partir de là. Au tarif de l’heure de studio, le rapport
qualité/prix était plus qu’avantageux.
Une fausse stéréo donc, mais qui fonctionne et donne de la légèreté à l’ensemble. En dehors de cela, il n’y a aucun autre effet : dans ce type d’appareil pas encore de réverbération pour donner de l’ampleur au son. Si on voulait ce genre d’effet, il fallait le prévoir au départ et enregistrer… dans la salle de bain.
Dinosaures de passage Au fil des ans, et du progrès, d’autres techniques
voient le jour, avec plus ou moins de succès mais toutes basées
sur une invention essentielle : l'échantillonnage.
Autre étoile filante, en 1992 naît, sur le principe du CD, le Mini-Disc (MD). C’est un petit disque CD enfermé dans un boitier en plastique. Là aussi, le principe de l’appareil enregistreur (dans mon cas, le MD-MT190 de chez Sharp) repose sur l’échantillonnage du son. L’enregistrement est donc proche de la qualité CD, sans souffle, ni bruit de surface. Ci-dessous, ce petit enregistreur (à droite) avec son mini-cd très coquet (à gauche). Ce format sera très prisé par les musiciens amateurs, car facilement mis en œuvre et robuste. Ici, pas de multipistes, simplement un enregistrement stéréo. L’appareil, petit et léger (8cm de côté !) est très pratique à utiliser pour les prises de son sur le vif (reportage, bruitage, concert…) ainsi que pour l’enregistrement d’instruments solistes. Autre avantage : l’appareil gère lui-même l’indexage des enregistrements sur le mini-disc à la manière des plages d’un CD ordinaire. On peut modifier les plages enregistrées : effacement, changement de nom… Gros succès chez les musiciens donc, mais le grand
public boudera ce support au profit du format mp3 qui sort au même
moment, et pourtant de moindre qualité que ce mini-disc. Le MP3
va précipiter l’échec du Mini-Disc. Pourtant, après
tant d’années, le mien fonctionne toujours très bien et supporte
la comparaison avec du matériel plus récent. La preuve…
Numérique, virtuel et compagnie L’enregistrement numérique du son existait depuis les années 70 dans l’industrie du disque. Dans les années 90, qui voient se développer l’usage de l’ordinateur, l’enregistrement numérique devient à la portée de l’amateur. Le morceau de musique se métamorphose en fichier que l’on peut copier, déplacer, transférer, modifier, sans dégradation ni perdition… comme n’importe quel fichier informatique. Plusieurs marques prestigieuses et reconnues dans le domaine du traitement du son se disputent ce marché naissant (Fostex, Tascam…) avec des engins dignes des professionnels. Certains modèles prennent en charge l’ensemble de la chaine audio, depuis l’enregistrement jusqu’à la gravure du CD (mais ils ne font pas le café !). Personnellement, dans les années 2000, je me rabats
sur du matériel plus modeste,
Dans sa pimpante coque toute rouge, il offre 4 pistes mono et 2 pistes stéréo (donc 6 voies indépendantes). Il intègre quelques effets incorporés applicables aux différents canaux, tels que la réverbération qui donne l’impression à l’auditeur d’être dans une chapelle. L’enregistrement s’effectue sur une carte digitale (type « Compact Flash » en ce qui concerne le Fostex), sous forme de fichier (un fichier par piste). Gros progrès par rapport aux appareils précédents,
le report du mixage est également numérique : en fin de travail,
on obtient donc un fichier stéréo que l’on peut graver directement
tel quel sur CD. Pour cela, l’appareil est connectable à un ordinateur.
Pour le musicien multi instrumentiste et solitaire, c’est le rêve.
Petit mais costaud
Le dernier né ? Dans mon petit studio d’amateur, vient d’arriver depuis peu le dernier matériel de pointe, du moins de ma pointe : le ZOOM R16, « R » pour « recorder » (enregistreur) et « 16 » pour… 16 pistes ! Eh oui, 16 pistes, le luxe. Pour la peine, on a une véritable table de mixage, un grand écran, des micros incorporés, des branchements pour ordinateur et une multitude d’effets embarqués. Il y a même un effet qui permet de dégrader la qualité sonore afin de retrouver le son « basse fidélité » d’antan, un comble ! De nombreuses fonctionnalités permettent de gérer
facilement les fichiers sonores. Par exemple copier un enregistrement sur
clef USB pour le partager avec ses collègues musiciens. Comportant
des micros intégrés de grande qualité et une alimentation
possible par piles, l’appareil est complétement autonome et, léger,
peut s’emporter partout où on fait de la musique : il fait 1,3 Kg
; à titre de comparaison, mon premier magnétophone en pesait
14 !
Et l’ordinateur dans tout ça ? La musique était déjà par essence insaisissable ; avec le numérique, elle devient impalpable. Les supports physiques, ces dernières années, ont tendance à disparaître : de moins en moins de CD, un petit sursaut des microsillons (qu’on appelle « vinyles » maintenant), mais une industrie dominée par la musique dite « en ligne », un simple fichier informatique audio, de qualité moyenne car compressé afin d’être plus léger et de raccourcir ainsi le temps de son téléchargement. Les différents exemples sonores présentés sur cette page ne sont rien d’autres que des fichiers numériques stockés sur un serveur. En l’occurrence le site « Soundcloud » qui héberge mes « œuvres » parmi des milliers d’autres. Et quand vous avez écouté ces morceaux, rien de matériel n’a été échangé entre vous et moi (du moins je n’ai rien vu passer sur mon compte courant), juste un flux de données transitant par internet et cheminant depuis le serveur jusqu’à votre ordinateur. C’est ce qu’on appelle la « dématérialisation des supports ». Plus de disques, plus de bobines, rien que du fichier. C’est ce qui fait que les matériels modernes d’enregistrement utilisés par les musiciens et preneurs de sons doivent être gérés avec précaution. Au temps jadis (il y a 50 ans !) on rangeait une bande dans une armoire avec une étiquette et basta ! On savait où retrouver ses petits. Maintenant, tout reposant sur un fichier, il faut le sauvegarder, l’identifier, le classer, le stocker et… le conserver. Cette tâche un peu ingrate mais essentielle, s’effectue sur ordinateur. Ça, c’est le minimum. Mais l’informatique peut aller plus loin. Des logiciels permettent maintenant de faire ce que les magnétophones et autres tables de mixage réalisaient jusqu’à aujourd’hui. Ce sont des outils utilisés par les professionnels pour produire la musique d'aujourd’hui. Certains sont à la portée de l’amateur et sont même distribués gratuitement avec le matériel de prise de son. C’est le cas du logiciel Cubase LE, dont on reproduit l’écran principal ci-dessous :
- 1 piste de guitare acoustique d’accompagnementCes différentes pistes, disposées les unes en dessous des autres, sont affichées sous forme d’ondes. Ainsi, ci-dessous, les premières notes de la guitare électrique : L’ordinateur permet d’organiser ces pistes très
facilement. Ainsi, au début, on n’entend que 2 guitares puis, à
la reprise du thème, intervient la guitare électrique accompagnée
par les cordes et la flute : il suffit de bien disposer les fichiers les
uns par rapport aux autres, en les glissant avec la souris, et le tour
est joué !
Le phonographe du futur Qu’apporteront les technologies de demain à nous,
les petits musiciens amateurs ?
- la quadriphonie ou ambiophonie, la compression du son sans perte (contrairement au format mp3 actuel que vous avez entendu sur cette page…),Reste le plaisir du son. Enregistrer le son, c’est fixer une parcelle du temps, éternellement. C’est être un peu magicien quelle que soit la baguette magique employée. Alors, comme disent tous les sorciers : Abracadabra et vous voilà transporté dans mon antre de sorcier : mon studio, installé avec les matériels évoqués dans ces pages (et que vous pourrez reconnaître au passage), juste avant une séance d’enregistrement. Alors : « Silence !… » ou plutôt : « Musique ! Ça tourne ! »
Texte, photos et musique de Guy Robert - Le matériel, qui appartient à l’auteur, n’est cité et exposé qu’à titre d’exemple, excluant toute intention publicitaire. ©Linutil – mai 2018 |