Linutil
revient du sud : il a traîné sa truffe dans le département
de l’Aude, du côté de Carcassonne, dans le Minervois. Outre
d’excellents vins, cette région est riche en curiosités touristiques.
Que ce soit Narbonne et sa cathédrale, Carcassonne
et sa cité (on va y revenir), Rennes-le-Château
et son trésor caché (à découvrir dans un
prochain numéro), sans oublier Fabrezan, patrie de Charles
Cros, le poète inventeur malheureux qui imagina le premier phonographe
mais se fit ravir la vedette par une certain Thomas Edison. Une région
qui attire les touristes et les artistes. Justement, en parlant d’artistes…
Tout le monde connaît, du moins de réputation, la Cité de Carcassonne dressant ses fières murailles au-dessus de la ville depuis plus de mille ans. C’est l’archétype de la forteresse médiévale, aidé en cela par Viollet-le-Duc qui la restaura selon l’idée qu’il se faisait du Moyen-Age. Mais foin des polémiques… En visitant en ce moment la célèbre cité, ceux qui espèrent un saut dans le temps ne seront pas déçus : un saut, oui, mais plutôt dans le futur et la 4ème dimension. Car un artiste est passé par là. Contemporain et suisse, l’artiste. C’est à la Porte d’Aude, sur le côté ouest de la citadelle, côté qui fait face à la ville, que ça se passe. En marchant vers la muraille, on distingue d’abord de grandes taches jaune fluo, irrégulières et jetées là comme au hasard. Des lignes fines, des accents courbes, ou d’immenses polygones recouvrent le monument du bas en haut et jusque sur les toits. Puis, plus on approche de la porte qui donne accès à la cité et plus les lignes et les taches semblent s’organiser, se discipliner, comme par miracle. Et soudain, parvenus au point idéal sur le chemin, nous comprenons enfin l’intention ; tout devient clair, alors. Là, et là seulement,
se révèle à l’œil du promeneur curieux l’œuvre dans
son ensemble. Cela se nomme « Cercles concentriques excentriques
» et on le doit à l’artiste suisse Felice Varini,
vivant à Paris et « internationalement reconnu pour son
travail dans l’espace urbain ». Comme le précise la fiche
de présentation plantée au pied des tours :
En fait, dès qu’on
bouge, (et c’est une opinion qui n’engage que moi) ça ne
ressemble plus à rien. Mais par contre, au point focal de l’œuvre,
là où il faut être pour observer le phénomène,
c’est stupéfiant : l’illusion d’optique est totale.
Enfin, pour les amoureux du Moyen-Age, anxieux de retrouver leur monument d’origine, patience ! Tout sera enlevé fin septembre. Sans dommage, nous rassure-t-on. Car l’œuvre, on s’en doute, fait polémique parmi les habitants de la ville (non consultés sur le projet) et les amis de la Cité, tant pour son coût (non communiqué, mais on parle de 600.000 €) que pour son effet esthétique désastreux au goût de certains. D’ailleurs, afin de prévenir toute action revendicative, une discrète affichette invite le visiteur à ne pas « détériorer », sans autre précision : on ne sait s’il s’agit de ne pas dégrader l’œuvre ou le monument… Et ça, c’est de l’humour, non ? A Carcassonne, on sait rire… jaune !
« Cercles concentriques excentriques », bandes d’aluminium peintes, de Felice Varini « La Marque Jaune » de la série Blake et Mortimer d’Edgar P. Jacobs Texte et photos de Guy Robert – Copyright Linutil – Juin 2018 Merci à Daniel et Francine, qui se reconnaitront, de nous avoir accueillis et hébergés dans leur paradis audois. |