Il est un petit village perché, dans l’Aude, pas loin du pic de Bugarach, dominant les vallées d’alentour. Une centaine d’habitants y vivent, dans le vent et le ciel. Mais régulièrement, des vagues de touristes, venus parfois de très loin, en voiture, à pied, en bus, à bicyclette, visitent les lieux avec ferveur. C’est que ce site a fait couler beaucoup d’encre, encre noire du mystère... |
LE MYSTERE DE RENNES-LE-CHATEAU
Tout commence le 1er
juin 1885, lorsque François Bérenger Saunière, jeune
abbé de 33 ans, arrive à Rennes-le-Château. Il vient
d’y être nommé comme curé. On devrait plutôt
dire « exilé », suite à un désaccord avec
sa hiérarchie. Le village est reculé, difficilement accessible.
Encore de nos jours, une seule petite route étroite et sinueuse
y mène que l’on dirait grimpant contre le ciel. Quand Bérenger
Saunière prend possession des lieux, l’église, très
ancienne puisque datant du XIème siècle, est délabrée
et le presbytère inhabitable… mais l’abbé n’a pas le sou.
Le choeur de l'église de Rennes-le-Château, restauré par l'Abbé Saunière Mais une fois ces travaux
réalisés, l’abbé ne va pas s’en tenir là. Avec
l’aide de maçons du coin, et sur des plans qu’il dessine lui-même,
il se lance dans une série de constructions pour le moins surprenantes
et qui n’ont plus grand-chose à voir avec son sacerdoce. Les villageois
étonnés voient successivement sortir de terre :
- La villa Béthanie. Demeure cossue, qui recevra
bientôt nombre d’invités prestigieux et personnalités
(hommes politiques, artistes, savants…) qu’on ne s’attend pas trop à
voir fréquenter un « pauvre » curé de campagne.
- La Serre Tout en verre et en métal,
elle accueillera des plantes exotiques.
- La Tour Magdala C'est une tour-bibliothèque,
en pierre, avec ses 12 créneaux, comme les 12 heures du jour et
dont les fictives aiguilles seraient peut-être censées montrer
une direction secrète.
- un Chemin de Ronde En demi-cercle, il est
bâti sur des caves voutées et relie la Serre à la Tour.
A cela s’ajoutent, au fil du temps, des milliers de livres qui viendront garnir la Tour Magdala, des œuvres d’art dont seront ornés les murs de la villa, des animaux exotiques (singes, perroquets, paons…) qui déambuleront à leur aise dans les magnifiques jardins à la française du presbytère. Tout a été payé, rubis sur l’ongle, aux différents corps d’état, artistes, fournisseurs et artisans qui ont œuvré ici. Sans qu’on ne connaisse l’origine des fonds. Et c’est sur cette interrogation que va se bâtir la légende de l’abbé Saunière et de Rennes-le-Château.
Reconstitution
de l’intérieur du presbytère de Rennes-le-Château,
C’est que dans le petit
bourg écrasé de soleil ou de vent, selon les saisons, les
langues vont bon train. Des rumeurs circulent : on a vu, dans le cimetière,
l’abbé et sa servante fouiller des tombes. Des ouvriers, en défonçant
le dallage de l’église, auraient aperçu une poterie remplie
d’objets brillants. Des documents (secrets ?) auraient été
mis à jour dans un ancien balustre de l’autel. Les villageois en
tirent rapidement la conclusion que l’abbé a trouvé un trésor
!
L’évêché, alerté par les dépenses du prêtre, s’émeut et demande des comptes. L’abbé refuse de s’expliquer. Il sera suspendu pour trafic de messes. A l’époque en effet, les curés étaient autorisés à monnayer les messes auprès des fidèles et à en conserver le profit. Malgré cette disgrâce et cette peine infamante, l’abbé tient bon. Il meurt le 22 janvier 1917 et l’on découvre alors que tous ses biens sont au nom de sa servante Marie Denardeau. Celle-ci, malgré les pressions, ne révélera rien du secret de son abbé. Selon Noël Corbu, qui prend le domaine en viager, elle aurait un jour laissé toutefois échapper une petite phrase qui en dit long : « Les gens d’ici marchent sur de l’or, sans le savoir ». Elle aurait aussi promis au même Corbu de tout lui révéler avant de mourir. Malheureusement, une attaque cérébrale va ruiner ce projet. Elle disparaît le 29 janvier 1953 avec son secret.
La tombe de l’Abbé Saunière, dans les jardins de son domaine, à Rennes-le-Château C’est à partir de ce moment que la légende de Rennes-le-Château va naître, grandir et prospérer. Des écrivains, des archéologues, des gourous, des loufoques s’y intéressent et chacun y va de sa théorie et de son opuscule. Ajoutons-y les canulars et les escroqueries et plus personne n’y comprend grand-chose. Mais tout le monde reste fasciné par cette histoire. Car les faits sont là et la matérialité des lieux s’impose à tous.
Maquette du domaine de Béranger Saunière exposée au Musée de Rennes-le-Château La villa, la tour, l’église sont bien réelles et ont bien été financées par l’abbé. Des spécialistes ont calculé que de 1896, date des premiers travaux, à 1917, date de sa mort, l’abbé aurait dépensé l’équivalent de 2 millions de nos euros actuels. Ce n’est pas rien, pour un curé de campagne. Et ce n’est sûrement pas un trafic de messes, aussi juteux soit-il, qui aurait pu générer de pareils revenus. D’ailleurs, l’évêque interrogé plus tard sur cette accusation aurait avoué : « Il fallait bien trouver quelque chose pour le condamner ». D’autres « pistes
» ont été soulevées par les chercheurs, dont
certaines sans doute de la plus haute fantaisie mais qui participent à
l’alimentation du mythe :
- La découverte d’un trésor, dans l’église ou aux alentours. L’abbé aurait effectivement
offert à un confrère des pièces de monnaie anciennes
et des bijoux wisigothiques à une nièce de sa servante. Ce
qui confirmerait bien l’existence d’un trésor mais dont l’origine
varie selon les sources : trésor de Blanche de Castille, des Templiers,
des Wisigoths, des Cathares…
- La découverte
de documents anciens porteurs d’un formidable secret.
- Dernière
hypothèse en date : un trafic de faux documents.
A défaut de trésor,
vous gagnerez ici une vue imprenable sur les environs et respirerez le
parfum de mystère qui imprègne encore les lieux, après
toutes ces années. En attendant l’heure des révélations,
rêvons un peu…
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