Février  2023

 
Les autres N°


Zaza, la Femme-Canon



Dans le monde du cirque, ZAZEL, de son vrai nom Rossa Matilda Ritcher, est la première femme à avoir réalisé le numéro sensationnel du « projectile humain ». Cette attraction avait été inventée et mise en scène par William Leonard Hunt, dit « Le Grand Farini », en 1873, à New-York. Cela consiste à catapulter un acrobate dans les airs à l’aide d’un canon propulseur. Bien entendu, on n’utilise pas de poudre à canon, mais un gros ressort (maintenant, de l’air comprimé). Si poudre il y a, c’est pour l’effet visuel et le bruit, qui renforcent le réalisme du spectacle.

Propulsé hors du canon, l’artiste-obus suit une plus ou moins longue trajectoire qui le conduit, si tout va bien, dans un filet récepteur ou sur un matelas receveur douillet. Toute la difficulté (et le risque) du numéro réside dans le réglage précis du propulseur, réglage qui dépend de la distance à parcourir, du poids de « l’obus », des forces de frottement, etc… et dans le placement du filet.

La première fois que cette attraction est présentée au public, Farini, l’inventeur, utilise son propre fils comme projectile, mais déguisé en fille, car plus accrocheur selon lui. Toutefois, à la suite d’un accident, la supercherie est découverte. Farini se voit contraint de chercher une artiste féminine pour son numéro.
 

Il engage alors Zazel, acrobate-voltigeuse depuis qu’elle est enfant. Elle effectue son premier saut, une trajectoire d’environ 21m, au Royal Aquarium de Londres, le 2 avril 1877. Elle a alors 14 ans. Sa renommée fait bientôt le tour du monde. Le Prince de Galles lui-même vient l’admirer. A partir de 1880, elle effectue une tournée en France et aux USA, sous le chapiteau du célébrissime cirque Barnum.
A 28 ans, suite à une avarie du filet de réception, Zazel se brise le dos. Elle reste plusieurs mois dans un corset de plâtre. Guérie, elle ne reprendra jamais sa carrière de femme-canon. Mariée au directeur du Barnum de Londres, elle continue néanmoins de voyager et est partout accueillie avec admiration et respect, en souvenir de ses exploits. Exploits qu'elle réitère parfois, comme ce jour où elle saute du haut d'un immeuble avant de se recevoir avec grâce dans un filet. Elle décède, dans son lit, le 8 décembre 1937 à l'âge de 74 ans et demeure, dans l'histoire du cirque, comme la première femme projectile au monde.

Elle inaugure une longue suite d'artistes voltigeurs et, encore de nos jours, ce numéro demeure toujours à l'affiche des cirques. Il faut reconnaître qu'il a tout pour frapper l'imagination. Le spectacle en lui-même est très court : seulement quelques secondes durant lesquelles le projectile humain parcourt l'espace séparant la bouche du canon du filet récepteur. Aussi y a-t-il toute une mise en scène et un cérémonial entourant les préparatifs de la mise à feu.

D'abord, au pied du canon, le voltigeur s'équipe : casque qu'il met et cape flottante qu'il enlève, il apparait alors dans un justaucorps le plus souvent argenté, comme un cosmonaute ou un toréador. Certains directeurs de cirque préféraient dans ce rôle une femme, ou même une jeune fille, renforçant ainsi le contraste entre la dangerosité du numéro et la fragilité de celle qui l'accomplit. Dans tous les cas le suspens est maximum. Le héros gravit lentement, aux sons haletants de l'orchestre, les barreaux de l'échelle qui monte jusqu'à la bouche béante du canon. Après un dernier (dernier ?) salut au public qui l'ovationne, il s'introduit, pieds en avant, dans la gueule du monstre. Bientôt on ne voit plus que son buste, puis que sa tête, puis que ses mains gantées. Puis plus rien. Le canon semble se redresser vers le ciel du chapiteau. Le silence retombe sur les gradins. Et s'il y avait des mouches, on les entendrait voler, mais maintenant que les animaux sauvages sont interdits dans les cirques…

Soudain, roulement de tambour ! Tous les spectateurs ont les yeux rivés sur le canon. Explosion, fumée, le corps élancé du voltigeur, éjecté brutalement du canon, traverse l'espace et se reçoit élégamment dans le filet qui tangue. Vivats de la foule, salut de l'artiste, fortissimo de l'orchestre. C'est terminé. Le vol de l'oiseau a duré 4 secondes.

Un tel exploit appelle toujours des records. Le plus long saut réalisé dans cette discipline est établi à 57 mètres. C'est énorme ! On a calculé que l'acrobate durant ce saut "volait" à 110km/heure. A une telle distance, le filet récepteur est un timbre-poste qu'il s'agit de ne pas louper. Ce numéro a d'ailleurs fait, au cours de l'histoire, une trentaine de victimes, accidents dus, le plus souvent, à un mauvais placement ou à une rupture du filet de réception.

Dans le cadre d'une exposition prochaine sur le thème du cirque, j'ai voulu rendre hommage au courage de ces hommes et de ces femmes acrobates, dans un tableau "diorama". Il s'agit d'un tableau composé de multiples éléments découpés dans du papier toilé et peints à l'huile. Le thème en est donc "Zaza, la femme-canon", juste au moment où elle est projetée dans le ciel du cirque qu'elle va parcourir en quelques secondes, devant le public enthousiaste et sous les yeux d'un petit garçon qui en tombe aussitôt amoureux.

Vive le cirque qui nous fait rêver et frissonner !...


Documentation Wikipédia. Texte et Peinture à l'huile de Guy Robert. © Linutil – Février 2023