Avril  2023

 
Les autres N°


Allez les Jaunes !


Eh oui, mes poussins, ce mois-ci nous allons parler de "jaune", de la couleur jaune. La couleur du soleil. Celle d'un apéritif anisé, aussi. Mais nous ne sommes pas là pour l'apéro. Pas encore… A ce moment de l'année, le printemps fait resplendir la nature et si chaque saison a sa teinte dominante, le printemps, lui, semble préférer le jaune. Vous en doutez ? Suivez-moi donc que je vous montre ça...



 

Timide et discrète, au creux des fossés, se cache l'évanescente jonquille sauvage. Son jaune opalescent et tendre nous paraît bien fragile. "Coucou" semble-t-elle murmurer à tous ceux qui la cherchent. Et son existence, très courte, se termine dans un vase d'où elle voit, par derrière la fenêtre, ses compagnes se faner au soleil… comme elle-même dans quelques jours. Plaignons les tendres coucous.



 

Plus rustique, le bouton d'or n'a pas la fragilité de la romantique jonquille. Il se dresse, dru et pétant, au milieu des herbes et des ronces. Rien ne lui fait peur. Puis il a pour lui sa simplicité : une corolle en étoile à cinq branches, tout ce qu'il y a de plus symétrique et de robuste. Ni fioritures, ni faux-semblant. Le bouton d'or va droit au but, mais avec élégance. Il a quelque chose du gentleman-farmer. Ce n'est pas non plus le jaune de tout le monde : un peu nacré, lumineux, comme dans les enluminures des anciens manuscrits et, sous ses airs bonhommes, précieux. D'où son nom, sans doute. Bouton d'or, la fleur qui boutonne l'habit vert des prairies…


Attardons-nous un moment sur l'autre vedette de la saison : l'inévitable pissenlit. C'est un petit gars du peuple, un peu faubourien et à l'humeur taquine. Peut-être pas très distingué, certes, mais franc et sympathique. Son jaune tire sur l'orangé, ce qui en fait un soleil miniature. Il recouvre, innombrable et multiple, les prés, les pelouses, les fossés, les jardins. L'invasion sauvage colore les collines. Et vivace, avec ça ! Aussitôt coupée, aussitôt repoussée, la fleur redresse la tête sous la faucille, le couteau ou la tondeuse. Increvable, la bête ! En fait, seul le cycle inexorable de la nature mettra fin à sa prédominante exubérance : en quelques jours, les fleurs se changent en ombrelles à mulot, en boules de dentelles, en parachute pour les fourmis. Feux d'artifice lilliputiens qui sèment à tout vent. La fleur gavroche s'est transformée en demoiselle surannée. Puis, la graine envolée, le pissenlit retourne à son anonymat d'herbe ordinaire.

Nous finirons par le Roi des Jaunes, celui qui règne en maître sur nos campagnes : le jaune colza !
Avec lui, pas d'hésitation, c'est jaune et ça le fait savoir. D'un coup de pinceau magique, il a repeint les champs de chaque côté du chemin. Un jaune un peu acide, comme son parfum, brillant, clinquant qui nous étonne, nous éblouit, nous ravit à chaque fois. Et c'est déjà la route vers l'été que nous ouvrent le colza et son jaune de guinguette, joyeux et dansant.




Texte et photos Guy Robert © LINUTIL - avril 2023