Mai  2023

 
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Fragments de l'Atlantide


C'est au fond du grenier, dans un recoin oublié, habité de souris silencieuses et d'araignées centenaires, que je l'ai trouvé. Par hasard. Car je cherchais autre chose ; c'est toujours comme ça.

Pourtant, il était là depuis des années et personne ne l'avait remarqué : un coffret en bois, ancien et poussiéreux. A l'intérieur, je découvris un petit sac de toile et quelques feuilles de papier. Apparemment arrachées à un livre de bord, on y avait couché les quelques lignes à peine lisibles dont je reproduis ci-dessous l'essentiel.





LIVRE DE BORD DE L'ALCYON

10 août 1902

Au crépuscule de cette journée, j'ai fait jeter l'ancre au large de l'Archipel des [ici, un mot illisible], au pied d'un petit îlot montagneux. Trop peu de clarté pour en commencer l'exploration. Je remarque toutefois qu'il ne figure sur aucune des cartes en ma possession. Il faudra en relever l'exacte position dès que possible.
 

11 août 1902
Au matin, nous avons débarqué, mon second et moi avec 3 autres hommes d'équipage et quelques vivres. Nous nous sommes avancés prudemment sur la plage et sous les premiers arbres.

[ici, plusieurs lignes délavées par l'eau de mer sont devenues illisibles]

… et sommes revenus à bord avec notre butin, que j'ai mis aussitôt en sûreté dans le coffre-fort du navire…

[encore quelques lignes illisibles]

12 août 1902

En présence de mon second et du médecin de bord, nous avons examiné les spécimens archéologiques recueillis hier (voir les notes prises à ce sujet).
Il s'agirait bien, comme nous le supposions, de vestiges du continent disparu de l'Atlantide. Nous soumettrons ces quelques échantillons aux autorités scientifiques dès notre retour en Europe. En attendant, nous comptons approfondir notre exploration en retournant demain sur l'îlot. Nous en profiterons pour relever précisément sa position.
 

Nuit du 12 au 13 août 1902

Un maelström géant vient d'engloutir l'îlot et une partie de l'Archipel. Nous avons pu sauver de justesse le navire, mais la tempête s'est levée et je redoute le pire.
 

13 août 1902

De trop nombreuses avaries nous obligent à évacuer l'Alcyon. La mer est toujours forte et le navire, ingouvernable, se dirige tout droit sur les récifs. L'équipage est monté dans les canots et j'ai confié au second la mallette contenant les précieux vestiges archéologiques que nous avons mis à jour. Je lui abandonnerai ce journal au dernier moment. Je reste à bord, espérant qu'un miracle me vienne en aide pour sauver le bateau et que je puisse un jour témoigner de cette découverte incroyable…

[le reste du texte a disparu]


Cette lecture me laissait perplexe. Sachant qu'à l'époque personne n'avait plus jamais eu de nouvelles de l'Alcyon ni de son équipage, je me demandais comment ce coffret avait pu venir s'échouer ici. Le petit sac de toile qui accompagnait ces pages contenait plusieurs pierres décorées. Etaient-ce là les vestiges d'une civilisation disparue ? Provenaient-ils de l'Atlantide, comme semblait le croire le capitaine de l'Alcyon ?

Toutes ces questions, je me les pose encore aujourd'hui, en ouvrant le coffret mystérieux et en exposant au grand jour et à votre regard, chers lecteurs, ces fragments supposés de l'Atlantide. Je les accompagne ci-dessous des quelques notes prises par le capitaine ou le médecin, et dont il est fait état dans le livre de bord.
 
 

1.  Tête d'Atlante

On reconnait les Atlantes à leur tête bien ronde. Ici, une amulette à leur image, utilisée vraisemblablement au cours de cérémonies magiques ou religieuses. 
 


 
2.   Fragment d'une décoration intérieure.

Ces terres cuites décorées ornaient les murs et les sols des riches demeures atlantes. Leur extrême fragilité explique leur non moins grande rareté.
 


 
3.  Le Dieu Kaillou 

On retrouve habituellement cette représentation du "Dieu Kaillou" sur les toits des maisons atlantes.
On ignore si une telle figure était destinée à faire peur aux enfants turbulents ou si elles protégeaient effectivement ses adorateurs. L'un n'empêchant pas l'autre…
 


 
4.  Masque de fête

Les Atlantes avaient connaissance des autres peuples de la terre. Ils commerçaient volontiers avec le reste du monde, tout en se moquant gentiment de leurs voisins. En témoigne ce masque grotesque à l'effigie d'un Européen de l'époque.
 


 
5.  Carte du ciel ?...

... ou morceau de plafond ? En tout cas, objet précieux. Car les planètes (?) représentées ici sont en "orichalque". Un métal disparu et oublié depuis, aussi recherché que l'or. 
 


 
6.  Fresque atlante

Ce fragment de fresque, à base d'orichalque également, pourrait évoquer les nombreux volcans de l'Atlantide, volcans qui l'amenèrent à sa perte, comme chacun sait.
 


 
7.  L'Oiseau-Lyre

Dieu vivant ou animal réel, l'oiseau-lyre peuplait les rivages de l'Atlantide, au temps de sa splendeur.
On le disait à corps d'homme et à tête d'oiseau, émettant un chant étrange et très musical, d'où son nom.
De santé fragile, les rares spécimens qui survivaient encore au moment de l'effondrement de l'Atlantide, disparurent avec elle.
 


 
8.  Le Chef Atlante

Chef ? Du moins c'est le grade que nous lui avons donné, en rapport avec la solennité de son visage et avec le site où nous l'avons trouvé : au point culminant de l'îlot.
 


J'ai rangé dans le coffret de bois les pierres, les pages du livre de bord et les notes scientifiques. J'ai repris mon pinceau et mes peintures et j'ai continué à décorer les cailloux ramassés en chemin aux couleurs de l'Atlantide légendaire.



Texte, pierres décorées et photos de Guy Robert - © Linutil, mai 2023