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Raymond Peynet a 34 ans quand il créé, en 1942,
le couple d'amoureux qui va le rendre célèbre. Tout commence
à Valence, où il a un rendez-vous professionnel devant le
kiosque à musique de la ville. Pour tromper son attente, il se met
à griffonner. Et bientôt, sur le papier, naît un jeune
homme en train de jouer du violon sous le kiosque avec, pour seul public,
une jeune admiratrice assise sur une des chaises en fer du jardin public.
Un peu plus tard, le violoniste va devenir le poète rêveur
dans son éternel costume noir et l'admiratrice du premier jour,
sa jeune et espiègle amoureuse, en robe légère et
dansante. |
Ce couple mythique va faire le tour du monde, et même aujourd'hui
qui ne connaît pas le poète et sa compagne, le kiosque à
musique qui abrite leurs amours, les chaises en forme de cœur du parc où
ils se promènent, les petits oiseaux qui picorent sous les bancs
et les notes de musique qui font des guirlandes dans les arbres.
Le style de Peynet est immédiatement reconnaissable. Le trait
de son dessin est fin, gracile, aérien, comme fragile. Pas ou peu
d'ombre au pied de ses personnages qui semblent voler. Tout un art naïf
et délicieusement désuet met en scène l'amour dans
ce qu'il a de plus romantique et idyllique. "Mièvre" diraient certains.
Mais heureusement l'humour sauve tout et Peynet a justement beaucoup
d'humour et de tendresse envers ses héros.
Ne s'est-il pas marié, en 1930, avec une demoiselle Damour ?
Nom prédestiné, s'il en fût…
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Dans les années 50, les dessins de Monsieur Peynet illustrent
nombre de revues et magazines. Merchandising avant la lettre, les fameux
amoureux de Peynet sont rapidement déclinés sur de multiples
supports : assiettes, médailles, bijoux, timbres… Dans les années
60, on fabrique des poupées en latex à leur image. 6 millions
d'exemplaires en seront vendus. Enfin, des cartes postales mettant en scène
ces poupées sont également éditées.
Notre tante en faisait une réserve, où elle puisait pour
les envoyer à toute la famille, en toute occasion : Noël, Jour
de l'An, vacances, rentrée des classes… C'est ainsi que notre maman
s'est retrouvée à la tête d'une collection originale
et impressionnante. Elle en a fait un joli album, qui trône dans
la bibliothèque et que j'entrouvre ici pour la première fois.
Ces cartes datent donc des années 1960. Certaines étaient
éditées en série illustrant un thème commun.
A l'époque, pas d'informatique ni de photos numériques. Les
personnages étaient de vraies poupées, de celles qu'on trouvait
dans le commerce, habillées et mises en scène, puis photographiées
dans des décors de carton. Techniques oubliées… Voilà
donc quelques pages choisies de cet album d'un autre temps… |
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Dans la série "Nos belles provinces françaises"…
la Camargue ! Avec le manadier et Mireille, l'héroïne
du poème de Mistral. |
"L'Etudiante", ou une des innombrables métamorphoses
de l'amoureuse de Peynet.
On pourrait citer également : la Photographe, la Joueuse
de Tennis, la Danseuse Etoile… |
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Adaptation de "Roméo et Juliette",
sous-titrée "Je n'ose pas vous avouer mon amour", réflexion
qui est déjà un aveu. On remarquera la simplicité
et l'efficacité du décor en papier. |
"Le Jardinier et Mlle Jonquille". Il est intéressant
de constater que les amoureux de Peynet n'ont pas de nom, à proprement
parler, mais seulement des noms d'emprunt éphémères
ou des identités neutres :
Elle et Lui, Je, Vous… Sans doute restent-ils ainsi intemporels
et universels. |
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Série "Le langage des Fleurs". Ici, "Le
Lilas" et son message : "Mon cœur est à vous". |
Autre série : "La Clef des Songes". "Si
vous rêvez du charbonnier, c'est que votre cœur a besoin de chaleur".
L'humour rejoint l'amour. Mais au fait, où sont passés les
charbonniers d'antan ? |
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"Les Amoureux Célèbres" mettent en
scène des couples mythiques : Napoléon et Joséphine,
Rodolphe et Mimi Pinson… Même l'antiquité est revisitée,
comme ici, avec "Antoine et Cléopâtre". |
Et pour finir, "Les Vers Célèbres"
où on voit sur cette carte postale les amoureux de Peynet vieillis,
mais toujours amoureux, à l'automne de leur vie.
Mais ne sont-ils pas éternels, comme les vers de Jean Racine
?
Heureux, qui de la Sagesse
Attendant tout son secours
N'a point mis en la Richesse
L'espoir de ses derniers jours. |
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Deux musées sont consacrés à Raymond Peynet et
à son univers : en France, à Antibes et à Brissac-les-Mines,
et deux autres au Japon. A Valence (Drôme), on peut voir le fameux
kiosque (ci-contre), inspirateur de la saga.
Raymond Peynet disparaît à 91 ans, le 14 janvier 1999,
un mois juste avant la Saint-Valentin, fête des amoureux qu'il avait
si bien illustrée.
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On dit que ce jour-là, les moineaux de tous les jardins
publics ont observé une minute de silence.
Copyright
Linutil – texte de Guy Robert – cartes postales originales – septembre
2024
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