Septembre 2024

 
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Raymond Peynet a 34 ans quand il créé, en 1942, le couple d'amoureux qui va le rendre célèbre. Tout commence à Valence, où il a un rendez-vous professionnel devant le kiosque à musique de la ville. Pour tromper son attente, il se met à griffonner. Et bientôt, sur le papier, naît un jeune homme en train de jouer du violon sous le kiosque avec, pour seul public, une jeune admiratrice assise sur une des chaises en fer du jardin public. Un peu plus tard, le violoniste va devenir le poète rêveur dans son éternel costume noir et l'admiratrice du premier jour, sa jeune et espiègle amoureuse, en robe légère et dansante.
Ce couple mythique va faire le tour du monde, et même aujourd'hui qui ne connaît pas le poète et sa compagne, le kiosque à musique qui abrite leurs amours, les chaises en forme de cœur du parc où ils se promènent, les petits oiseaux qui picorent sous les bancs et les notes de musique qui font des guirlandes dans les arbres.

Le style de Peynet est immédiatement reconnaissable. Le trait de son dessin est fin, gracile, aérien, comme fragile. Pas ou peu d'ombre au pied de ses personnages qui semblent voler. Tout un art naïf et délicieusement désuet met en scène l'amour dans ce qu'il a de plus romantique et idyllique. "Mièvre" diraient certains.
Mais heureusement l'humour sauve tout et Peynet a justement beaucoup d'humour et de tendresse envers ses héros.
Ne s'est-il pas marié, en 1930, avec une demoiselle Damour ? Nom prédestiné, s'il en fût…
 




Dans les années 50, les dessins de Monsieur Peynet illustrent nombre de revues et magazines. Merchandising avant la lettre, les fameux amoureux de Peynet sont rapidement déclinés sur de multiples supports : assiettes, médailles, bijoux, timbres… Dans les années 60, on fabrique des poupées en latex à leur image. 6 millions d'exemplaires en seront vendus. Enfin, des cartes postales mettant en scène ces poupées sont également éditées.

Notre tante en faisait une réserve, où elle puisait pour les envoyer à toute la famille, en toute occasion : Noël, Jour de l'An, vacances, rentrée des classes… C'est ainsi que notre maman s'est retrouvée à la tête d'une collection originale et impressionnante. Elle en a fait un joli album, qui trône dans la bibliothèque et que j'entrouvre ici pour la première fois.
 
 
Ces cartes datent donc des années 1960. Certaines étaient éditées en série illustrant un thème commun. A l'époque, pas d'informatique ni de photos numériques. Les personnages étaient de vraies poupées, de celles qu'on trouvait dans le commerce, habillées et mises en scène, puis photographiées dans des décors de carton. Techniques oubliées… Voilà donc quelques pages choisies de cet album d'un autre temps…


Dans la série "Nos belles provinces françaises"
la Camargue ! Avec le manadier et Mireille, l'héroïne du poème de Mistral. 
"L'Etudiante", ou une des innombrables métamorphoses de l'amoureuse de Peynet.
On pourrait citer également : la Photographe, la Joueuse de Tennis, la Danseuse Etoile…
Adaptation de "Roméo et Juliette",
sous-titrée "Je n'ose pas vous avouer mon amour", réflexion qui est déjà un aveu. On remarquera la simplicité et l'efficacité du décor en papier.
"Le Jardinier et Mlle Jonquille". Il est intéressant de constater que les amoureux de Peynet n'ont pas de nom, à proprement parler, mais seulement des noms d'emprunt éphémères ou des identités neutres :
Elle et Lui, Je, Vous… Sans doute restent-ils ainsi intemporels et universels.
Série "Le langage des Fleurs". Ici, "Le Lilas" et son message : "Mon cœur est à vous". Autre série : "La Clef des Songes". "Si vous rêvez du charbonnier, c'est que votre cœur a besoin de chaleur". L'humour rejoint l'amour. Mais au fait, où sont passés les charbonniers d'antan ?
"Les Amoureux Célèbres" mettent en scène des couples mythiques : Napoléon et Joséphine, Rodolphe et Mimi Pinson… Même l'antiquité est revisitée, comme ici, avec "Antoine et Cléopâtre". Et pour finir, "Les Vers Célèbres" où on voit sur cette carte postale les amoureux de Peynet vieillis, mais toujours amoureux, à l'automne de leur vie.
Mais ne sont-ils pas éternels, comme les vers de Jean Racine ?
       Heureux, qui de la Sagesse
       Attendant tout son secours
       N'a point mis en la Richesse
       L'espoir de ses derniers jours.

Deux musées sont consacrés à Raymond Peynet et à son univers : en France, à Antibes et à Brissac-les-Mines, et deux autres au Japon. A Valence (Drôme), on peut voir le fameux kiosque (ci-contre), inspirateur de la saga.

Raymond Peynet disparaît à 91 ans, le 14 janvier 1999, un mois juste avant la Saint-Valentin, fête des amoureux qu'il avait si bien illustrée. 
 

On dit que ce jour-là, les moineaux de tous les jardins publics ont observé une minute de silence.


Copyright Linutil – texte de Guy Robert – cartes postales originales – septembre 2024