Avril 2025

 
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Le Voyage de Toto
Le printemps est là. On a parfois l’impression que c’est presque l’été et, avec la nuit qui tombe, s’allume au-dessus de nos têtes le vertigineux tourbillon des étoiles. On aime les contempler, les suivre dans leur ascension : en fait, elles ne bougent pas, seule notre Terre tourne. Car, oui, on le sait depuis Galilée, la Terre est ronde et tourne autour du Soleil, soleil qui n’est lui-même qu’une étoile, parmi des milliards d’autres. La lune, elle, tourne autour de la Terre et, à la voir quand elle est pleine, on pourrait croire qu’elle est aussi grosse que le Soleil. Tout ceci n’est qu’apparence et relativité. Nous allons donc aujourd’hui tenter de nous faire une idée d’ensemble de l’univers mystérieux qui nous entoure, de ses proportions et de la place que nous y occupons. Vaste sujet…

A - Des chiffres « astronomiques »

Le diamètre de la Terre est de 12700 km et celui de la Lune, 4 fois moins.

Si la Terre était une pièce de 10 centimes, la Lune aurait la taille d’un confetti de 5mm et serait éloignée de 60 cm de notre petite pièce, comme figuré ci-dessous :

Le Soleil, lui, est 110 fois plus volumineux que la Terre et à 150 millions de km. A l’échelle de notre pièce de 10 centimes représentant la Terre, le Soleil serait une boule de 220 m de diamètre, située à 240 m plus loin.
Nous ne sommes pas seuls autour du Soleil. D’autres planètes font la ronde avec nous, formant notre système solaire. Nous avons dans l’ordre, à partir du Soleil :

Mercure – Vénus – La Terre – Mars – Jupiter – Saturne – Uranus – Neptune

(Pluton n’étant plus considérée comme une véritable planète, ne figure donc plus dans cette liste).

Ainsi Neptune, planète du système solaire la plus éloignée de chez nous, est à environ…
4,5 milliards de km ! De tels chiffres sont difficiles à concevoir et encore plus à manier. Aussi les astronomes adoptent une autre méthode que le système métrique pour mesurer les distances à l’intérieur du Système Solaire. Ils ont donc choisi comme unité de mesure l’Unité Astronomique (UA ou AU en anglais) qui est égale à la distance Terre-Soleil. Soit :

1 UA = 150 millions de km

Ce qui « rapproche » Neptune à 29 UA de notre Terre, alors que Mars, notre voisine, 
est à « seulement » 0,52 UA.


Photo de Mars prise par la Nasa. La Planète Rouge au premier plan, plus loin la Terre, notre planète bleue.

Notre Système Solaire s’étend donc, en une belle ellipse, sur 60 Unités Astronomiques. Pour poursuivre la métaphore, nous dirions que notre système occupe la surface de Paris, que le Soleil est à Notre-Dame et notre petite pièce de 10 centimes (la Terre) à la Sainte-Chapelle.



B – Toto, le photon
 
 

La Voie Lactée, vue de la Terre.
Elle nous apparaît comme la tranche
d’un disque dont nous occupons
un des bords, (voir ci-dessous l'illustration
montrant la place du Système Solaire
dans notre Galaxie).

Par une belle nuit profonde d’été, si vous levez la tête, vous pourrez admirer une grande traînée blanchâtre traversant le ciel. Il s’agit de la Voie Lactée, autrement dit la galaxie à laquelle appartient le Système Solaire.

Notre galaxie compte entre 200 et 400 milliards d’étoiles et, malgré les distances incommensurables qui les séparent les unes des autres, elles nous apparaissent sous la forme d’une brume lumineuse, tellement elles sont nombreuses et lointaines.

Si l’on sort du système solaire, la plus proche étoile de notre Galaxie est « Proxima du Centaure ». Elle est tout de même à 43 000 milliards de km (soit environ 300 000 fois plus loin que le soleil).

C’est dire que les kilomètres et les Unités Astronomiques ne sont plus parlants à cette échelle et qu’il faut utiliser d’autres références.

C’est là que Toto, le photon, entre en scène. 
Rappelons que le photon est la particule électro-magnétique qui constitue la lumière. Elle est très véloce ; c’est même la plus rapide de l’univers : Toto, le photon, file à près de 300 000 km/seconde
(pour mémoire les sondes américaines "Voyager" font du 60.000 km/h)

Ainsi, notre petit champion...

- fera le tour de la Terre en 1/13ème de seconde
- atteindra la Lune en 1,3 seconde
- et le soleil en 8 minutes.
- Mars en 4 mn,
- Saturne en 1h08
- et Neptune, dernière planète de notre système solaire, en à peu près 10 jours.

Cette méthode a donné naissance à une nouvelle unité pour mesurer les distances énormes de l’univers : l’année-lumière (ou AL). Une année-lumière est donc la distance que parcourt la lumière en une année, à raison de 300 000 km/s (soit environ 10 000 milliards de km).
 

Ainsi lancé, Toto mettra 4,3 années à atteindre l’étoile la plus proche de notre soleil (Proxima du Centaure, déjà citée), mais pour traverser la Voie Lactée il lui faudra… 120 000 ans !

Au passage, il aura effleuré les fameux « Piliers de la Création » (à 7000 années-lumière de nous), composés de poussière stellaires.

Cette formation (photographiée ci-contre par le télescope spatial Hubble) est une pouponnière d'étoiles naissantes.

Quittant notre Voie Lactée, Toto s’aventurera dans le vide sidérale avant d’atteindre la prochaine galaxie, Andromède, au bout d'un voyage de 2,5 millions d’années ! une promenade… 

Les astronomes, qui ont le sens de l’humour, nomment l’ensemble de notre galaxie et celle d’Andromède
le « groupe local ». Autant dire la banlieue de la Terre…

Au-delà du groupe local, il y a d’autres amas galactiques contenant des milliards d’autres galaxie, comme par exemple l’Amas de la Vierge à 65 millions d’A-L, ci-dessous, photographié par le télescope Hubble. Les taches les plus lumineuses sont des galaxies.



C – L’espace et le temps

Lorsque l’on dit que l’étoile Proxima du Centaure est à 4,3 années-lumière, cela signifie que la lumière issue de cette étoile, compte tenu de son grand éloignement, met 4,3 années à nous parvenir.
Ce qui signifie aussi que ce que nous voyons de cette étoile est âgé de plus de 4 ans et qu’au moment où j’écris ces lignes elle a peut-être déjà disparu (ce que nous saurons… dans 4 ans !) Et c’est la même chose pour tous les autres objets célestes.

Galaxie d’Andromède, vue au télescope,
 mais elle peut être observée depuis la Terre avec de bonnes jumelles.

Ainsi, la galaxie d’Andromède (ci-dessus) nous paraît telle qu’elle était il y a 2,5 millions d’années. Un extraterrestre habitant cette galaxie et braquant un super-télescope vers notre Terre y verrait les premiers ancêtres de l’homme (homo habilis) et non pas nos avions et nos gratte-ciel actuels… En un mot, plus l’on voit loin et plus on remonte le temps.

Il y a une limite à ce voyage : c’est le Big-Bang initial qui a créé l’univers et qui se situe à
14 milliards d’années-lumière. Toto, notre petit photon, ne peut aller au-delà, car au-delà il n’y a rien, du moins rien de visible, la lumière n’existant pas encore.
 

Autre conséquence de ces distances incommensurables : une communication avec une autre planète éventuellement habitée s’avérerait très difficile pour ne pas dire impossible. Pourrait-on qualifier de dialogue des messages qui mettraient, dans le meilleur des cas (Proxima du Centaure), 4 ans à parvenir à leurs destinataires et 4 ans à nous revenir ? Et ne parlons pas d’un voyage interstellaire dont l’accomplissement occuperait plusieurs générations humaines…

Et c’est peut-être plus sage ainsi, cela étouffant dans l’œuf toute tentative d’invasion de part et d’autre et toute possibilité de conflit. Si des extraterrestres existent quelque part, ils vivent, du fait de leur éloignement, dans un monde quasiment parallèle au nôtre, par définition inatteignable, pour le plus grand bien de tous.

Image extraite du film "E.T. l'extraterrestre"
de Steven Spielberg (1982)

Alors, revenons sur notre bonne vieille Terre où, petits humains perdus dans l’immensité sidérale, nous devrions tous marcher main dans la main... N’est-ce pas, Toto ?


Texte, calculs et maquette de Guy Robert - Les photos astronomiques sont propriété de la NASA - ©Linutil - Avril 2025