Dans les années 1950,
à l’école, les élèves appliqués écrivaient
à l’encre et à la plume, la tête penchée, en
tirant la langue. Pleins et déliés étaient alors les
piliers de l’écriture, pour ne pas dire de la culture.
Les outils et les programmes ont évolué. On ne s’en plaindra pas. Ainsi, dans les écoles, de la plume Sergent Major (célèbre marque à l’époque) et de l’encre violette (en litre, avec bouchon verseur) est-on passé au stylo-plume puis, hérésie de la calligraphie, au stylo à bille, avec des encres de toutes les couleurs, le rouge étant toutefois et toujours resté l’apanage du maître d’école. Puis vinrent l’ordinateur et son clavier, le portable et son alphabet virtuel… L’écriture, j’entends par là la belle écriture, en a pris un coup dans ses hampes, ses jambages et ses boucles gracieuses. En a-t-on abandonné l’encre et la plume pour autant ? Que nenni ! On a vu dans une précédente rubrique, quelques trésors cachés de la calligraphie et quelques pistes pour s’y adonner (voir n°177 de février 2017, "La belle écriture"). Mais la plume et l'encre sont aussi, depuis longtemps et pour encore longtemps, les alliées précieuses du DESSINATEUR. Entrons donc discrètement dans l'atelier de l'artiste au travail, cet antre fumeux d'où s'échappent parfois de non moins fumeuses créations. Les instruments sont simples, mais leur choix est souvent, pour le dessinateur, une étape capitale et quasi cérémoniale. Alors, voyons ce que nous avons dans notre plumier…
Le stylo-plume Il utilise de l'encre ordinaire en cartouche. Portatif et adapté à tous les usages (dessin, écriture…), c'est l'outil idéal pour les carnets de voyage "vintage" et un peu chics. A titre d'exemple, ci-dessous, dernière page du journal d'une équipe d'explorateurs disparue mystérieusement :
Le stylo "arts graphiques" Sa plume et son encre sont
adaptées spécifiquement à la pratique du dessin :
plume douce qui glisse sur le papier ; encre très fluide et très
noire, résistant à la lumière.
Par exemple, ci-dessous, l'épisode de ce mois-ci en cours d'encrage (j'allais dire "en cours de tournage") :
Le stylo feutre artistique Equipé d'une pointe solide, pratiquement inusable, et d'une encre noire permanente, ce stylo moderne délivre un trait régulier et rapide. Il est encore plus pratique que le stylo-plume, car toujours prêt et toujours propre. L'encre séchant rapidement, nombre de dessinateurs l'utilisent lors des séances de dédicaces aux lecteurs. Il est également idéal pour l'écriture des textes. Toutefois, par rapport aux autres outils à plume, le trait obtenu est moins modulable : pas de pleins ni de déliés possibles. Ce qui donne un dessin un peu moins vivant que s'il avait été réalisé à la plume. Outre sa rapidité de mise en œuvre et d'exécution, un autre avantage : l'encre est indélébile, ce qui permet une mise en couleur "humide", type aquarelle. Ainsi, dans l'exemple ci-dessous, la vignette contenant le personnage a été colorée aux crayons aquarellables, crayons dont la couleur peut être diluée à l'aide d'un pinceau humecté d'eau :
La plume et l'encre de chine C'est l'outil de l'artiste par excellence, celui avec lequel on parvient à faire le plus de pâtés, mais des pâtés esthétiques ! La plume est également l'outil d'écriture de nos ancêtres, d'une souplesse et d'une expressivité inégalée. Trois éléments sont mis en œuvre dans cette technique : - un porte-plume - une plume (en acier, le plus souvent) Comme on peut le voir sur cette photo, il existe un grand nombre de plumes, de toutes formes, de toutes tailles, dures, douces, raides, souples… La fameuse "ligne claire" d'Hergé sort en droite ligne, si j'ose dire, de ce type de matériel. Tous les dessinateurs recherchent sans cesse, et souvent c'est une quête sans fin, la plume idéale, celle qui dessine toute seule, sans effort et sans rature. Avec le choix des encres et le choix du papier, je vous laisse imaginer le nombre de combinaisons possibles. Comme les autres, je me laisse aller parfois à cette boulimie de tests et d'essais… Alors voilà quelques expériences en ce domaine :
Plume Gilbert et Blanzy-Poure – modèle "Sergent Major" Plume "Atome" n° 423 de la marque Conté et son porte-plume spécial Plume Brause "Cito-Feine iserlohn"
A titre d'exemple, et à la manière des feuilletons de jadis, voilà la 1ère bande d'une aventure à suivre (et dont moi-même je ne connais pas la fin !). Au plan de la technique, les dessins ont été réalisés sur papier blanc lisse, à l'encre de chine et à la plume Brause, puis colorée à l'aquarelle. Au plan de la forme, cette bande dessinée reprend la mise en page qui était à la mode dans les années 1920-1930, avec le texte imprimé en dessous des cases. Un retour aux sources stylistique et technique du 9ème Art.
En quelque sorte un clin d'œil, léger comme une plume...
Texte, photos
et dessins de Guy Robert. Le matériel présenté est
la propriété de l'auteur. © Linutil - mai 2019
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