Non, il ne s'agit pas de tout jeter ou de tout casser.
La "casse" dont il s'agit ici est ce casier en bois utilisé en imprimerie
par les typographes qui y puisent les lettres et les signes en plomb
pour "composer" leur texte.
La casse tient son nom de l'italien "cassia" qui signifie
"caisse" et les compartiments (appelés "cassetins") reçoivent
donc l'ensemble des caractères d'une même police. La place
de chaque lettre et la taille du cassetin où elle est rangée
dépend de la fréquence de cette lettre dans le langage écrit
(et donc de la langue utilisée). Par exemple, en français,
c'est le "e" minuscule qui hérite du plus grand cassetin.
Plan de la casse utilisée en
France, et dite "parisienne"
On notera que les majuscules se trouvent en haut du casier
(caractères dits "hauts-de-casse") et que les minuscules sont en
bas (caractères "bas-de-casse"). La disposition des cassetins est
étudiée pour limiter au maximum les gestes du typographe
lorsqu'il compose son texte.
Une fois le texte imprimé, on récupère
bien entendu les différents caractères qui le composent.
Les typographes rangent donc précisément les caractères
dans les cassetins qui leur sont réservés. Lors de cette
opération, appelée "distribution", le typographe peut parfois,
par inattention, déposer un caractère dans un cassetin qui
n'est pas le bon. Cette erreur est souvent à l'origine des "coquilles"
(lettre qui se substitue à une autre) : plus tard, quand il compose
un nouveau texte, le typographe croit prendre un "e" dans le cassetin des
"e" et pèche, sans le savoir, une autre lettre qui s'y est retrouvée
malencontreusement : "c'est ainsi qu'on fait una coquille".
Pour de plus amples renseignements sur ce beau métier
qui fait les beaux livres, vous pouvez consulter les rubriques qui y ont
été déjà consacrées sur ce site, à
savoir les numéros :
187
de janvier 2018 : "Une bonne impression"
204
de juillet-août 2019 : "Un village à la page"
Mais il est vrai que l'informatique a, peu à
peu, remplacé le typographe et que les casses sont, pour la plupart,
effectivement parties à la casse. Quelques unes, échappées
du massacre, se rencontraient sur les brocantes. Il fut un temps
où l'on en faisait volontiers un élément de décoration
intérieure, très branché. Là, des collections
improbables ont trouvé leur point de chute, si l'on peut dire, ou
leur "hall of fame" ("temple de la renommée"), comme disent les
américains. Au grand dam, d'ailleurs, des plumeaux et de celles
et ceux qui s'en servent, et pour lesquels les quelques 115 cases de ce
musée à l'air libre et à la poussière, représentent
un vrai Golgotha du ménage. Cela est un peu passé de mode
maintenant.
Linutil, s'il regarde bien la route qui s'ouvre devant
lui, n'en garde pas moins un œil dans le rétroviseur. Et il
a donc conservé précieusement une casse authentique (car
il y a des imitations) : elle vient directement d'une imprimerie ayant
mis la clef sous la porte, suite aux mutations informatiques survenues
dans le métier. Les différents cassetins ont été
remplis, au fur et à mesure du temps et des occasions. Que des petits
objets (forcément), disposés sans logique et sans intention,
presque au hasard. Presque.
Par exemple, on y rencontre une collection de chats, un
comble pour Linutil, me direz-vous ! Des chats en porcelaine, en bois,
en verre, en papier mâché. Mais également des petits
soldats mousquetaires en métal et des légionnaires romains
qui se côtoient sans animosité ; des pierres bizarres et d'autres
décorées ; une théière minuscule ; des fèves
de galette ; un hibou en bois sculpté ; une lampe à pétrole
miniature en laiton ; des dés à coudre ; du mobilier pour
maison de poupées ; un oiseau en papier plié (origami) ;
un canard en verre filé et un éléphant dans la même
matière, venu de Venise au travers des Alpes et arrivé intact.
Vous trouverez tout ceci et bien d'autres trésors dans la Casse
de Linutil. Et même, si vous regardez bien, vous découvrirez
peut-être son autoportrait dans une des "pièces" de ce musée
improbable et portatif.
Alors, suivez le guide, c'est par ici et c'est gratuit
!... |