Février 2020
Les autres N°



A LA CASSE !



 
 

Non, il ne s'agit pas de tout jeter ou de tout casser. La "casse" dont il s'agit ici est ce casier en bois utilisé en imprimerie par les typographes qui y puisent  les lettres et les signes en plomb pour "composer" leur texte.

La casse tient son nom de l'italien "cassia" qui signifie "caisse" et les compartiments (appelés "cassetins") reçoivent donc l'ensemble des caractères d'une même police. La place de chaque lettre et la taille du cassetin où elle est rangée dépend de la fréquence de cette lettre dans le langage écrit (et donc de la langue utilisée). Par exemple, en français, c'est le "e" minuscule qui hérite du plus grand cassetin.
 

Plan de la casse utilisée en France, et dite "parisienne"




On notera que les majuscules se trouvent en haut du casier (caractères dits "hauts-de-casse") et que les minuscules sont en bas (caractères "bas-de-casse"). La disposition des cassetins est étudiée pour limiter au maximum les gestes du typographe lorsqu'il compose son texte.

Une fois le texte imprimé, on récupère bien entendu les différents caractères qui le composent. Les typographes rangent donc précisément les caractères dans les cassetins qui leur sont réservés. Lors de cette opération, appelée "distribution", le typographe peut parfois, par inattention, déposer un caractère dans un cassetin qui n'est pas le bon. Cette erreur est souvent à l'origine des "coquilles" (lettre qui se substitue à une autre) : plus tard, quand il compose un nouveau texte, le typographe croit prendre un "e" dans le cassetin des "e" et pèche, sans le savoir, une autre lettre qui s'y est retrouvée malencontreusement : "c'est ainsi qu'on fait una coquille".

Pour de plus amples renseignements sur ce beau métier qui fait les beaux livres, vous pouvez consulter les rubriques qui y ont été déjà consacrées sur ce site, à savoir les numéros : 
 

187 de janvier 2018 : "Une bonne impression"
204 de juillet-août 2019 : "Un village à la page"


Mais il est vrai que l'informatique a, peu à peu, remplacé le typographe et que les casses sont, pour la plupart, effectivement parties à la casse. Quelques unes, échappées du massacre, se rencontraient  sur les brocantes. Il fut un temps où l'on en faisait volontiers un élément de décoration intérieure, très branché. Là, des collections improbables ont trouvé leur point de chute, si l'on peut dire, ou leur "hall of fame" ("temple de la renommée"), comme disent les américains. Au grand dam, d'ailleurs, des plumeaux et de celles et ceux qui s'en servent, et pour lesquels les quelques 115 cases de ce musée à l'air libre et à la poussière, représentent un vrai Golgotha du ménage. Cela est un peu passé de mode maintenant. 

Linutil, s'il regarde bien la route qui s'ouvre devant lui, n'en  garde pas moins un œil dans le rétroviseur. Et il a donc conservé précieusement une casse authentique (car il y a des imitations) : elle vient directement d'une imprimerie ayant mis la clef sous la porte, suite aux mutations informatiques survenues dans le métier. Les différents cassetins ont été remplis, au fur et à mesure du temps et des occasions. Que des petits objets (forcément), disposés sans logique et sans intention, presque au hasard. Presque.

Par exemple, on y rencontre une collection de chats, un comble pour Linutil, me direz-vous ! Des chats en porcelaine, en bois, en verre, en papier mâché. Mais également des petits soldats mousquetaires en métal et des légionnaires romains qui se côtoient sans animosité ; des pierres bizarres et d'autres décorées ; une théière minuscule ; des fèves de galette ; un hibou en bois sculpté ; une lampe à pétrole miniature en laiton ; des dés à coudre ; du mobilier pour maison de poupées ; un oiseau en papier plié (origami) ; un canard en verre filé et un éléphant dans la même matière, venu de Venise au travers des Alpes et arrivé intact. Vous trouverez tout ceci et bien d'autres trésors dans la Casse de Linutil. Et même, si vous regardez bien, vous découvrirez peut-être son autoportrait dans une des "pièces" de ce musée improbable et portatif.
 
 

Alors, suivez le guide, c'est par ici et c'est gratuit !...

Texte et images de Guy Robert – Collection de Chats par Claudine - © Linutil – février 2020